Cathares
pas beaucoup les femmes. En revanche, il en pinçait pour le beau Fritz. Mais lui, il s’en fichait. Tout ce qu’il voulait, c’était mettre la main sur le trésor de son copain. Vous pigez maintenant ?
Plus rien ne semblait pouvoir arrêter le flot de confidences de la patronne du bar-tabac. Pour une fois qu’elle tenait son public en haleine, elle n’était pas prête à interrompre la représentation.
— Fritz n’était pas du genre farouche. Vous allez dire que ça valait mieux avec une fille comme moi. Mais apparemment, je ne devais pas lui suffire. Il a commencé par me faire entrevoir de la passion et après deux jours il commençait déjà à s’absenter. Il avait même réussi à se trouver une maîtresse à Albi ! Pour ça, il n’avait pas peur de faire des kilomètres !
Comme au théâtre, Betty marqua un temps de respiration et puis reprit :
— Un soir, le Boche est devenu violent. Il avait un peu bu, mais il n’y avait pas que la bibine ! Il avait vraiment envie de cogner. À Paris, j’ai appris que pas mal de types ont besoin de cela pour se sentir en pleine possession de leurs moyens, mais lui, le Fritz, il cognait fort ! J’ai essayé de m’en sortir et la bagarre a dégénéré.
Le Bihan s’abstint de poser la question que son interlocutrice attendait, mais son expression était suffisamment claire.
— Platement dit, reprit-elle avec la même assurance, il a essayé de m’étrangler dans la cuisine et je lui ai balancé le rouleau à pâtisserie dans la tronche.
C’est classique, non ? Mais je ne m’attendais pas à cogner aussi fort ! Il était refroidi, le schnitzel ! Il a fallu que je me débarrasse du corps. Heureusement que la région est grande et que ce brave Rahn m’avait laissé sa fourgonnette qui avait échappé à la faillite de l’hôtel.
Après la révélation finale, la blonde laissa son spectateur apprécier l’histoire qui venait de lui être racontée. Elle resservit deux verres de Suze et guetta une réaction qui se fit attendre. Le Bihan se leva et alla observer les objets qu’elle avait conservés de son amant aussi violent qu’éphémère. Il regarda les photos de ce jeune officier en tenue de la SS. Il observa un briquet, un revolver ainsi qu’un petit dossier noir fermé par une cordelette et portant une étiquette avec les initiales « O.R. ». Il commença à la détacher.
— Ça, c’est ce qui m’a ôté mon dernier remords de l’avoir refroidi, lâcha Betty avec une pointe de mépris dans la voix. Un dossier à charge contre son cher copain Otto et pas mal de bavardages sur les cathares.
Le Bihan le referma et le prit sous son bras.
— Hé ! s’exclama Betty. Faut surtout pas vous gêner !
— Je suppose que vous préférez cela à une dénonciation chez les gendarmes, répondit Le Bihan en regrettant aussitôt ses paroles.
Ne venait-il pas de briser l’amorce de complicité qui naissait entre eux ?
— Tout le monde se fiche du Fritz !
— Et la carte...
— Quelle carte ?
— Ne faites pas celle qui ne comprend pas, insista Le Bihan. Je sais que vous ne vous êtes pas contentée d’envoyer à Rahn la reproduction des écus que vous avez trouvés dans la grotte. Vous êtes bien trop intelligente pour cela !
Une fois encore, Le Bihan n’avait pas cherché à la flatter. Il pensait sérieusement ce qu’il venait de lui dire et apparemment ces mots eurent pour effet de la radoucir. Elle partit une fois encore dans la pièce d’où elle avait ramené la valise de Fritz. Mais cette fois, elle revint avec un petit morceau de papier jauni.
— Franchement, lui dit-elle en lui tendant le papier. Je n’ai jamais rien compris à tout ce charabia. Regardez, il y avait quatre blasons. Sur chacun d’entre eux, il y avait un grand dessin, une croix et puis un drôle de petit dessin dans la dernière tranche du blason.
— Quels dessins ? demanda Le Bihan en se rapprochant du document.
— Ne vous moquez pas de moi, je n’ai jamais été très douée en dessin. C’est tout ce que j’ai vu et j’ai essayé de le reproduire au mieux.
L’historien se sentit dans la peau de Champollion alors qu’il tentait de déchiffrer les hiéroglyphes. Mais il se dit qu’il lui faudrait du temps pour arriver à identifier ces gribouillis qui évoquaient tantôt un damier tantôt une barque. Le Bihan mit cette fois ce document dans sa poche.
— Cela ne vous gêne pas, au moins ? demanda-t-il en
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