Cathares
mauvaise herbe dans un massif de fleurs. Mais à partir du moment où je faisais la preuve de son extension géographique en Europe, il redevenait un dangereux ennemi de l’Église officielle. J’avais compris que la menace était toujours bien présente, plusieurs siècles après les persécutions. Les Cathares avaient confié aux générations futures une arme pour reprendre le combat.
Un matin de décembre, je me rendis de bonne heure à la gare afin de prendre le train en direction de Cologne. J’aurais aimé que mon ami Richard puisse m’accompagner, mais son travail à l’Ahnenerbe l’empêchait de quitter Berlin en cette saison. Je lui promis de le tenir au courant de mes recherches et surtout de l’informer de ma découverte. J’étais convaincu que, cette fois, je touchais enfin au but. Alors que je montais à bord de la voiture, deux silhouettes qui marchaient à vive allure sur le quai attirèrent mon attention. Deux hommes en uniforme de la SS arrivèrent bientôt à ma hauteur. Je fis semblant de ne pas les remarquer et j’allais m’engager dans le couloir de la voiture quand l’un d’entre eux posa sa main sur mon épaule... Ils me prièrent de redescendre et de les suivre. J’eus beau leur dire que je faisais partie de la SS et que je partais en mission pour l’Ahnenerbe, ils ne voulurent rien entendre. Je fus d’abord conduit dans une cellule d’un bâtiment de la SS. Nul ne me donna la moindre explication. Deux jours plus tard, je fus envoyé à Buchenwald. Je me retrouvai affecté à la surveillance du Lager. L’enfer commençait.
Ton dévoué,
Otto Rahn
47
La voiture sillonnait les routes de l’Ariège et de l’Aude depuis le matin. Chenal avait tenu sa parole et il avait servi de guide à Le Bihan pour lui faire découvrir les sites les plus remarquables de la région. Ils étaient passés par Tarascon, Peyrepertuse, Quéribus, les grottes de Niaux, Pamiers... À chaque étape, l’hôtelier avait démontré à son client l’étendue de ses connaissances. Rien ne lui échappait : les dates de construction des châteaux, les conditions de leur siège, les légendes qui s’y rattachaient. C’était comme si l’Histoire reprenait vie à travers ses explications. Arrivé à la fin de la journée, Le Bihan réalisa qu’il n’avait jamais interrompu son guide. Pour un professeur aussi bavard, c’était pourtant loin d’être gagné d’avance ! Alors qu’ils roulaient à bonne allure vers l’hôtel, ils passèrent à côté d’une vaste allée précédée d’un petit panneau annonçant l’abbaye de Fontchaude.
— Et ici ? demanda Le Bihan.
Chenal sourit et ralentit. À présent, les deux hommes se connaissaient suffisamment pour se tutoyer.
— Décidément, je vois que tu veux tout connaître ! Mais tu sais qu’il ne te suffira pas d’un après-midi pour percer tous les secrets de notre région. Parfois même une vie entière ne suffit pas.
— Je ne te demande pas de visiter, précisa l’historien. C’était juste une dernière curiosité de ma part.
Chenal arrêta la voiture un peu plus loin, à la lisière d’un champ qui offrait une belle vue sur les bâtiments de l’abbaye. Il sortit du véhicule et commença ses explications.
— Ici, nous avons un beau point de vue, estima-t-il. À cette heure, je doute que les moines apprécieraient d’être dérangés.
— Il y a encore beaucoup de moines qui vivent ici ? demanda Le Bihan.
— Oh non ! répondit Chenal en souriant. Une dizaine tout au plus. Mais ils sont fiers du passé prestigieux de leur abbaye et ils veulent perpétuer sa tradition. À l’origine, il n’y avait ici qu’une petite communauté de bénédictins. Mais vers la moitié du douzième siècle, elle adopta la règle cistercienne. Comme tu le sais, les moines de cet Ordre font voeu de pauvreté et chaque moment de leur vie est réglé selon un rituel immuable.
— Cela ne les a pas empêchés de devenir très riches, objecta Le Bihan.
Chenal posa amicalement sa main sur l’épaule de l’historien.
— Voilà bien une remarque de laïcard de l’Éducation nationale, lança-t-il. Un pur produit de notre bonne vieille Troisième République ! Tu sais, ici, l’Église est restée très importante à travers les siècles. Seule la Révolution lui a taillé des croupières, mais l’Empire a réparé les dégâts et c’est pour cette raison que l’abbaye de Fontchaude est parvenue jusqu’à nous dans cet
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