Cathares
qui montait la garde à l’entrée principale arriva à son tour. La vingtaine d’hommes qui oeuvraient dans le conduit étaient sortis à l’air libre ; ils s’étirèrent et redressèrent leurs dos qui avaient été mis à rude épreuve dans ce passage étroit où ils travaillaient depuis des heures. Entre-temps, l’autre Bon Homme était arrivé.
— Tu les surveilleras pendant que nous allons juger par nous-mêmes !
Mais il n’y eut pas le moindre mouvement de révolte de la part des ouvriers. Ils s’alignèrent avec discipline le long du mur du rempart en mettant les mains sur la tête. Leur garde n’eut même pas à sortir son arme pour leur imposer l’obéissance. Pendant ce temps, les deux hommes étaient déjà entrés dans le couloir de pierre. Ils accomplirent rapidement la trentaine de mètres qui les conduisaient dans le coeur du pog. La descente se révéla de plus en plus raide au moment où ils parvinrent au fond du couloir. Une mince ouverture avait été creusée par les ouvriers. Le Parfait eut fort à faire pour s’y glisser, mais Ses efforts furent bientôt récompensés. Il pénétra dans une pièce aux allures de crypte médiévale dont les murs étaient ornés de colonnes. Face à la paroi du fond, se dressait un autel de pierre. L’ensemble se distinguait par son extrême sobriété, mais le regard était immédiatement attiré par une fresque aux teintes passées représentant une colombe volante et placée juste au-dessus de l’autel. L’autre Bon Homme qui avait rejoint son compère l’interrogea.
— Où sommes-nous ?
— Nous sommes dans un lieu que plus personne n’a visité depuis la chute de Montségur. (Tandis qu’il continuait à observer la pièce, il ajouta :) Nous sommes dans le repaire secret de Pierre-Roger de Mirepoix.
Il parlait à voix basse, mais la configuration des lieux gonflait sa voix d’un profond écho qui amplifiait la moindre de ses paroles, parfois même jusqu’à la démesure. Comme un guide désireux d’éclairer son client, il poursuivit ses explications.
— Regardez ! Là, derrière l’autel, cette représentation de la colombe volante. C’est la seule illustration matérielle ou symbolique de la religion que vous trouverez dans ce lieu. Les Cathares condamnaient toute représentation matérielle qu’ils jugeaient satanique et l’assimilaient à l’incarnation du Malin.
— Mais alors, répondit l’autre, pourquoi cette colombe ?
— On trouve quelques rares témoins et ils sont issus des origines du christianisme comme la colombe qui représente la pureté, l’espoir et l’incarnation du Saint-Esprit. Vous voyez, c’est un peu comme si l’âme quittait sa tunique de chair pour rejoindre la divinité.
Le Parfait se jeta à genoux devant l’autel et commença à tâter le sol de ses deux mains. Il se mit à gratter avec de plus en plus de nervosité jusqu’à s’érafler le bout des doigts. Comme il ne trouvait rien, il engagea son compère à faire de même. À présent, c’était les deux hommes qui s’affairaient à sonder le sol, mais sans succès.
— Il n’y a rien ici ! Je suis pourtant sûr que Mirepoix a laissé une preuve dans cette pièce.
— À quelle preuve pensez-vous ?
Le Parfait se releva. Il porta sa main au menton, le temps de rassembler ses idées. Puis il se lança dans une explication qui tenait autant du théâtre que de l’exposé scientifique.
— Imaginez-vous ! Nous sommes en 1244. Montségur est sur le point de tomber entre les mains des croisés. Le temps presse ! Il faut à tout prix sauver ce qui peut encore l’être. Mirepoix se retire dans son antre secret. Nul ne connaît ce lieu. C’est ici qu’il renferme les secrets de son église. Mais Mirepoix sait qu’il n’abandonnera pas les siens. Il se prépare à la mort tout en veillant à assurer la survie de la foi des siens. Il doit sauver le Graal ! Alors, il n’a d’autre choix que de le cacher ici. Il erre, il tourne en rond dans cette salle, il va s’agenouiller devant l’autel.
Ayant prononcé ces mots, le Parfait se dirigea une nouvelle fois devant l’autel de pierre. Il se mit à genoux et passant sous la tablette de pierre, entreprit à nouveau de sonder le sol. Cette fois, à force de tâter, il finit par sentir une rainure dans la pierre. Il essaya de la soulever, mais sans y parvenir. Il essaya alors de la pousser et réussit à la faire coulisser. Il accomplit son geste avec autant de
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