Ce jour-là
était ferme et juste. Quand on commettait une erreur sous ses yeux, c’était comme si on l’avait laissé tomber. Je lisais la déception sur son visage.
Pas d’engueulade.
Pas de cris.
Juste ce regard.
Son expression disait : « Alors, mon vieux, c’est toi qui viens de faire ça ? »
J’aurais aimé répondre, au moins essayer de m’expliquer, mais je savais qu’ils ne voulaient rien entendre. Si on vous disait que vous aviez fait une erreur, vous aviez fait une erreur. En bas, sous la passerelle, dans la salle vide, on ne discutait pas, on ne s’expliquait pas.
« OK, compris, dis-je sans me défendre, furieux contre moi d’avoir commis une erreur de débutant.
— Nous attendons mieux que ça, dit Tom. Dégage. Va à l’échelle. »
J’ai pris mon fusil à la main, je suis sorti en courant de la kill house, j’ai rejoint une échelle de corde qui pendait d’un arbre, à environ trois cents mètres. À chaque barreau que j’escaladais, je me sentais un peu plus lourd. Mais ce n’était pas dû à ma chemise trempée ni aux vingt-cinq kilos de mon gilet pare-balles et du matériel.
C’était ma crainte de l’échec. Jusqu’ici, j’avais toujours réussi dans ma carrière chez les SEAL.
Lorsque j’étais arrivé à San Diego pour le stage BUD/S, six ans auparavant, je n’avais jamais douté que je le réussirais. La plupart avaient été recalés ou avaient abandonné. Certains n’arrivaient pas à soutenir le rythme brutal des courses sur le sable ou paniquaient sous l’eau.
Comme beaucoup de candidats au BUD/S, j’avais su que je voulais devenir un SEAL dès l’âge de treize ans. Je dévorais tous les livres qui les évoquaient ; je guettais les informations pendant l’opération Desert Storm (3) pour savoir si on parlait d’eux, je rêvais d’embuscades et de missions où on débarquerait sur des plages. Je voulais faire tout ce que j’avais lu dans ces livres pendant mon adolescence.
J’ai terminé mes études dans un petit collège de Californie, je me suis inscrit au BUD/S et ai décroché mon trident de SEAL en 1998. Après une mission de six mois dans le Pacifique et un déploiement en Irak en 2003-2004, j’étais prêt à passer à autre chose. J’avais appris l’existence du DEVGRU lors de mes premières rotations. Cette unité recrutait les meilleurs des SEAL, et je savais que je ne pourrais plus me regarder dans la glace si je ne me présentais pas aux épreuves de sélection.
L’unité de contre-terrorisme de la Navy était née à la suite de la désastreuse opération Eagle Claw en 1980, ordonnée par le président Jimmy Carter, pour libérer les cinquante-trois Américains retenus prisonniers dans l’ambassade des États-Unis à Téhéran.
L’échec de cette opération avait conduit la Navy à identifier le besoin d’une force spéciale, capable d’exécuter les missions délicates, et elle avait chargé Richard Marcinko de monter une unité d’élite de contre-terrorisme : la SEAL Team Six. L’unité était spécialisée dans l’infiltration des points chauds et des pays ennemis, mais aussi des navires, des bases navales et des plate-formes de forage. Avec le temps, d’autres missions s’étaient ajoutées, comme récupérer des otages ou lutter contre la prolifération des armes de destruction massive.
À l’époque où Marcinko avait créé l’unité, il n’existait que deux équipes de SEAL ; le chiffre six avait été choisi pour faire croire aux Soviétiques que la Navy disposait de davantage d’équipes. En 1986, la SEAL Team Six était devenue le DEVGRU.
À ses débuts, l’unité comptait soixante-quinze hommes, recrutés un à un par Marcinko. Aujourd’hui, les membres du DEVGRU sont toujours sélectionnés individuellement. On les recrute dans les autres unités des SEAL et dans les unités de l ’Explosive Ordnance Disposai [mines et explosifs]. Le DEVGRU avait grandi par la suite et comptait à présent de nombreuses équipes ainsi qu’un personnel d’intendance, mais le concept était resté le même.
L’unité fait partie du JSOC (Joint Spécial Opérations Command). Le JSOC dirige et coordonne les unités des forces spéciales de toutes les branches de l’armée américaine. Le DEVGRU travaille en étroite collaboration avec d’autres équipes similaires, comme par exemple la Delta Force, appartenant à l’armée de terre.
L’opération Urgent Fury fut l’une des premières missions du DEVGRU en
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