Ce jour-là
pleine responsabilité, dis-je. Je suis gêné de me présenter devant vous avec ces résultats aux épreuves physiques. Mais tout ce que j’ai à dire, c’est que si je suis retenu, je ne vous donnerai pas l’occasion de revoir de tels scores. Je ne vais pas me chercher d’excuses. C’est ma faute. Et celle de personne d’autre. »
J’étudiai leurs visages pour voir s’ils me croyaient. Mais ils ne laissèrent rien transparaître. Je n’eus droit qu’à des regards neutres. Le tir des questions reprit. Il était destiné à me désarçonner ; ils vérifiaient si je savais garder mon calme. Si je n’étais pas capable de rester assis à répondre à des questions, que ferais-je sur le terrain ? Si le but était de me mettre mal à l’aise, c’était réussi ; mais surtout, j’étais piteux. J’admirais ces hommes, je voulais être comme eux, et j’étais là, jeune SEAL à peine capable de faire des abdominaux.
Ils me donnèrent congé.
« Vous saurez si vous avez réussi l’examen dans les six mois. »
En quittant la salle, je me dis que j’avais une chance sur deux d’être pris.
De retour à Camp Pendleton, je me barbouillai de vert à nouveau et retournai discrètement rejoindre mes coéquipiers pour les quelques jours qui restaient.
« Comment ça s’est passé ? me demanda mon chef.
— Je ne sais pas », répondis-je.
Je ne parlai à personne des épreuves physiques. J’étais en opération en Irak avec la SEAL Team Five quand la nouvelle est arrivée. Mon chef de peloton m’appela au centre d’opération.
« Tu as réussi les tests, me dit-il. Tu recevras ton affectation à la Green Team à notre retour. »
Ce fut d’autant plus un choc que je m’étais préparé au pire. Je m’étais fourré dans la tête que j’aurais à repasser les épreuves de sélection. Et là, je me suis promis de ne jamais refaire les mêmes erreurs. J’allais arriver à la Green Team bien préparé.
2
L ES CINQ PREMIERS / LES CINQ DERNIERS
L’été était humide dans le Mississippi. Lorsque je suis revenu de l’échelle au pas de course, j’avais les poumons en feu et les jambes douloureuses. Il s’agissait plus d’orgueil que de douleur physique. J’étais en train de me planter. La pression que je me mettais était pire que les remarques des instructeurs. L’erreur que je venais de commettre dans la kill house était le résultat d’un manque de concentration, et c’était inacceptable. Je n’allais pas rester longtemps dans la course si je n’arrivais pas à bloquer cette pression et à me concentrer sur les tâches à exécuter. On virait les candidats de la formation à tout moment.
De retour devant la maison, j’entendis les coups de feu tirés à l’intérieur par une autre équipe qui dégageait les salles. Nous avions quelques minutes pour reprendre notre respiration avant de recommencer.
Tom était descendu de la passerelle et m’attendait. Il m’avait pris à part.
« Hé, mon vieux, me dit-il, ton geste était parfait. Tu as bien couvert ton pote, mais tu as oublié le signal pour lui dire de bouger.
— Entendu.
— Dans ton affectation précédente, vous faisiez ça à votre manière, et vous n’aviez pas l’habitude de donner ce signal. Mais ici, on exige un respect scrupuleux des règles du CQB [combat rapproché]. Si jamais tu as la chance d’arriver au bout de cette formation et de te retrouver un jour dans un escadron d’assaut du second niveau, crois-moi, tu ne feras pas du CQB de base. Mais ici, sous la pression, tu dois nous prouver que tu es capable de suivre les règles élémentaires. Nous avons des normes, et tu ne peux pas bouger sans signal. »
Le second niveau était une allusion à Virginia Beach, la base où étaient postés les escadrons d’assaut. On nous avait dit, pendant les premiers jours à la Green Team, que nous n’étions pas autorisés à aller au premier étage du bâtiment avant d’avoir réussi la formation.
Autrement dit, le deuxième étage, c’était la récompense.
J’ai hoché la tête et glissé un chargeur neuf dans mon fusil.
Ce soir-là, j’ai ouvert une bière bien fraîche et j’ai disposé mon kit de nettoyage sur la table. Je savourais une longue gorgée, heureux d’avoir survécu une journée de plus. J’avais mangé encore une bouchée de l’éléphant. Je me rapprochais du second niveau.
Pendant l’entraînement au combat rapproché, nous vivions dans deux grandes bâtisses à
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