Ce jour-là
mais pourquoi ? » Je voulais juste une explication.
« Pour l’offrir au président », répéta Tom que mes questions commençaient à agacer.
J’ai insisté. « Et par combien de mains va-t-il passer avant d’être accroché au mur ? Il n’y a pas des gens qui visitent la Maison-Blanche ? »
La dernière chose qui restait secrète, c’était nos noms.
Je suis allé voir les autres.
« Vous signez ce truc ? »
La plupart des gars l’avaient déjà fait.
« Tu n’as qu’à griffonner n’importe quel nom et ça ira très bien, me suggéra Charlie. C’est ce que j’ai fait. »
Après une longue attente, entrecoupée de moments d’effervescence, on nous a finalement introduits dans l’auditorium où nous devions rencontrer le président. Les services secrets nous ont fait passer par un détecteur de métal. Quand ce fut mon tour, la machine bipa – mon couteau de poche. Il alla rejoindre la pile des autres articles métalliques.
Il y avait une petite estrade et, devant, des rangées de chaises.
Walt s’est assis à côté de moi.
« Je préférerais encore m’entraîner à la plongée sous-marine qu’être ici », me souffla-t-il.
Obama est arrivé. Il portait un costume sombre, une chemise blanche, une cravate bleu clair. À côté de lui se tenait le vice-président Biden, en chemise bleue et cravate rouge. Le président est monté sur l’estrade et nous a parlé pendant quelques minutes. Il a attribué à l’unité une Presidential Unit Citation (20) , en reconnaissance de ce que nous avions fait. C’est le plus grand honneur qu’on puisse attribuer à une unité.
Je ne me rappelle pas grand-chose du discours. Il était très stéréotypé :
« Vous êtes ce que l’Amérique fait de mieux. »
« Vous êtes les défenseurs des valeurs de l’Amérique. » « Au nom du peuple américain, je vous remercie. »
« Bon travail. »
Après le discours, nous avons posé pour quelques photos. Biden n’arrêtait pas de lancer des vannes lamentables que personne ne comprenait. Il avait l’air tout à fait sympathique, mais il me faisait penser à l’oncle ivre des repas de Noël. Avant de partir faire son discours aux soldats du 101 e , Obama a invité toute notre équipe à sa résidence pour prendre une bière.
« Sa résidence ? Quelle résidence ? ai-je demandé.
— Je ne sais pas, répondit Walt. Sa maison. La Maison-Blanche, je suppose.
— Ça, ce serait cool. Je n’aurai rien contre l’idée de visiter la résidence. »
Walt avait un petit sourire en coin.
Pendant que le bus nous ramenait à l’aéroport, dans un hangar de la base, Obama prononça son discours devant des soldats enthousiastes.
« Nous leur avons coupé la tête, leur dit-il, et nous finirons par les vaincre… Notre stratégie est efficace, et rien ne le prouve mieux que justice ait été rendue en ce qui concerne Oussama Ben Laden. »
Après ce petit voyage, les choses sont revenues peu à peu à la normale. Nous nous sommes de nouveau coulés dans notre emploi du temps habituel : absents plusieurs semaines, à la maison une semaine. Retour dans le train à grande vitesse.
Nous n’avons jamais été invités à boire une bière à la Maison-Blanche. Je me souviens d’en avoir parlé quelques mois plus tard avec Walt. Nous revenions du champ de tir et venions d’entrer dans la salle commune.
Walt eut de nouveau son sourire en coin.
« Et toi, t’as cru à ces conneries ? Je parie que toi aussi t’as voté pour lui, débile. »
É PILOGUE
Moins d’un an après l’opération Ben Laden, je suis descendu du train à grande vitesse.
J’avais passé plus de dix ans de ma vie à me sacrifier pour mon pays. J’avais renoncé à tout pour vivre ce rêve. J’avais passé de longues périodes loin de ma famille et de mes amis ; j’avais manqué fêtes et vacances ; j’allais garder dans ma chair, pour le reste de mes jours, les traces des durs traitements que j’avais infligés à mon corps. J’avais servi mon pays avec les meilleurs et m’étais fait des amis pour la vie, dans un groupe d’hommes qui avaient tous été mes frères. Depuis mon premier déploiement et les attaques du 11 Septembre, j’avais rêvé de faire partie du commando qui tuerait ou capturerait Ben Laden. J’ai eu la chance d’y jouer un rôle. Il est temps que d’autres, à présent, prennent ma place.
Très rares sont ceux qui peuvent s’enorgueillir d’être restés en
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