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Ce jour-là

Ce jour-là

Titel: Ce jour-là Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mark Owen , Kevin Maurer , Olivier Dow
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ce genre d’autosatisfaction, on est fichu.
    Arrivé au commandement, je ne suis même pas entré. Nous avons rangé matériel et armes sous clef, dans notre dépôt. Il n’y avait aucune urgence à tout déballer et nous avions la chance d’avoir quelques jours de repos. J’ai jeté mon sac d’affaires civiles dans le coffre de la voiture et j’ai pris la route de la maison. Je n’avais aucune envie de faire la tournée des bars pour « fêter ça ». Je ne désirais que du calme. L’accueil avait déjà été assez écrasant comme ça.
    En chemin, j’aperçus le néon du Taco Bell. Après une mission, j’avais instauré ce petit rituel : je m’arrêtais toujours au drive-in. Je me mis dans la file et commandai deux tacos croustillants, un burrito aux haricots noirs et un Pepsi médium.
    J’ai étalé le papier sur mes genoux et fait tomber quelques gouttes de sauce pimentée sur la laitue bien fraîche, et j’ai mangé.
    J’avais branché la radio sur la station de musique country. Entre deux bouchées, j’essayais de remettre un peu d’ordre dans mon esprit. Quelques jours avant, j’engloutissais la bouffe de la cafétéria en m’efforçant de ne pas penser à la mission. Et aujourd’hui, alors que je mangeais les tacos sur un parking, au bord de la route qui me ramenait chez moi, j’essayais toujours de ne pas y penser.
    J’avais besoin de repos.
    À Bagram, nous plaisantions sur ce que nous ferions de nos journées de permission. Je savais que les coéquipiers de mon escadron s’entraînaient aux opérations en mer en Virginie. Le commandement avait loué un bateau de croisière et l’avait rempli de figurants. C’était un entraînement important, onéreux, avec de gros moyens. Le genre d’opération qui paraît marrante sur le papier. Mais, dans les faits, on passe des heures dans l’eau glacée, battu par les vagues, à essayer d’escalader les flancs d’un bateau.
    Le burrito expédié, j’ai jeté le papier dans mon sac. Après avoir pris une longue gorgée de Pepsi, j’ai démarré. En route pour la maison. Avant de me relaxer, j’ai défait mon sac et pris une longue douche.
    Je restais assez tendu. Je venais de dormir dix-neuf heures. La télé était branchée et j’ai commencé à zapper sur le câble, d’une chaîne info à l’autre. Partout il était question de l’opération, mais ce n’était que des spéculations.
    J’ai ainsi découvert que nous avions été pris dans un échange de coups de feu de quarante minutes.
    Puis qu’on nous avait tiré dessus quand nous étions encore à l’extérieur du portail.
    Puis que Ben Laden avait tenté de se défendre les armes à la main avant d’être abattu.
    Et bien sûr, il a été dit qu’avant de mourir Ben Laden avait eu le temps de nous regarder dans les yeux et de comprendre que c’étaient les Américains qui l’avaient eu.
    L’opération était décrite comme un mauvais film d’action. Je trouvais cela comique tant c’était n’importe quoi.
    Puis des photos de la résidence de Ben Laden ont commencé à défiler sur les écrans. Elles avaient été « top secret » pendant des semaines, et on les diffusait partout. Je vis l’hélicoptère accidenté. Les explosifs avaient détruit le fuselage mais une section du rotor de queue était encore à peu près intacte. Elle s’était détachée au moment de l’explosion et était retombée de l’autre côté du mur.
    L’agence Reuter avait même les photos des cadavres que nous avions abandonnés derrière nous. Les télés montraient notamment des clichés des frères Al-Kuwaiti, dont Abrar, que Will et moi avions abattu à travers la porte de l’annexe. La photo de l’endroit où était tombé Ben Laden est venue ensuite. On voyait le sang séché sur le tapis.
    J’avais du mal à surmonter tout ça.
    J’avais du mal à accepter de voir ces images défiler en prime time. Elles faisaient irruption dans le minuscule emplacement de mon cerveau où j’avais confiné ces événements. Les barrières entre le travail et la maison venaient soudain de sauter. J’avais toujours très bien su reléguer le « travail », les opérations à l’étranger, dans un compartiment étanche Quand j’étais à la maison, j’étais à la maison. Voir ces images à la télé, c’était mélanger mes deux univers et cela me donnait mal à la tête.
    Je n’ai pas bien dormi la nuit suivante.
    J’avais pourtant avalé deux somnifères. Je n’aurais jamais

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