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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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comme commandant en chef des forces de l'OTAN.

Chapitre 20
    « UNE FOIS DE PLUS, LES ÉLITES S'EFFONDRENT »
    110 rue de Grenelle, vendredi 24 mai 1968 .
    Je sens que l'administration centrale est comme en apesanteur. Tout paraît en suspens. Pour ma part, au moment que choisira Pompidou, je quitterai cette maison. Je veux profiter de ce qu'elle peut encore me croire le ministre pour lui laisser un message.
    Ce matin, j'ai convoqué, pour une réunion de réflexion, tout ce qui compte au « 110 ». On s'y entasse dans la bibliothèque du cabinet et chacun sans doute a sa façon de percevoir l'événement. Chef de la plus nombreuse administration de l'État, je développe longuement ma critique de la centralisation administrative. Si la moindre secousse se propage dans toutes les structures de la machine ; si toute décision doit, soit remonter au ministère et même jusqu'au ministre, soit se tenir dans les étroites limites qu'a fixées la norme édictée d'en haut ; si cette centralisation traditionnelle a été encore renforcée dans les années récentes par l'organe nouveau du secrétariat général ; si ce renforcement a paru nécessaire pour réparer les désordres que l'usage introduit dans un agencement aussi complexe et aussi vaste ; bref, si l'Éducation nationale reste sous le signe de Colbert, il ne faut pas s'étonner qu'un jour cet absolutisme administratif s'effondre. J'invite donc tous les responsables de l'administration à tirer la leçon de cette crise. Les réformes nécessaires et déjà esquissées, dans le fonctionnement de l'Université et dans celui des établissements scolaires, supposent une réforme tout aussi profonde de l'administration centrale.
    À mesure que je parle, je sens Pierre Laurent, assis à côté de moi, se crisper. Quand j'ai fini, il prend brièvement la parole, pour aller vite à la formule qu'il a dû méditer : « Vous avez accusé Colbert, mais on n'a pas guillotiné Colbert, on a guillotiné Louis XVI. »
    Pourtant, lui aussi me suivra sur l'échafaud. Mais l'administration centrale a-t-elle changé ? N'a-t-elle pas continué, sous le signe de Colbert, et de réforme en réforme, d'empêcher le changement ?

    Pompidou : « Le PC et la CGT sont les derniers garants d'une solution pacifique »
    Matignon , vendredi 24 mai 1968, après-midi .
    Pompidou me reçoit le vendredi après-midi, à la veille de Grenelle : « Nous en sommes au point où la CGT et le parti communiste sont les derniers garants d'une solution pacifique. Nous allons nous mettre d'accord avec eux pour satisfaire les revendications salariales et catégorielles. Ça nous permettra d'étouffer les revendications qui cherchent à flanquer le pays par terre. »
    (Il semble attacher plus d'importance à la négociation de demain entre pouvoirs « responsables », au sommet, déjà amorcée dans les coulisses, qu'à l'annonce que le Général va faire ce soir d'un référendum sur la participation.)
    «Le plus important, ajoute-t-il, ça n'était pas de convaincre Debré de s'abstenir de venir demain s'asseoir à la table de négociation, c'était de convaincre le Général. Ça a été beaucoup plus facile que je ne pensais. Il a compris qu'avec Debré, on irait fatalement à la rupture, et qu'on ne pouvait aboutir que sans lui. »
    Je propose à Pompidou de tarir les sources ou plutôt les ressources du mouvement étudiant. On a ouvert les vannes en laissant occuper la Sorbonne, puis, de proche en proche, d'innombrables facultés, restaurants et résidences universitaires. « Les esprits sont mûrs pour qu'on leur coupe les vivres : pas d'électricité, pas de ravitaillement, traitement suspendu pour les enseignants qui participeront au mouvement. » Pompidou me répond : « Mais non, il n'y a qu'à attendre. »

    « C'est un torrent insaisissable »
    Rue de Grenelle, 24 mai 1968, 20 heures.
    Le Général parle. Les manifestants manifestent. Les manifestants s'attaquent à la police, à la Bourse, à l'ordre public, sans trop se soucier de De Gaulle. De Gaulle s'attaque aux causes profondes du désordre social, sans paraître se soucier du désordre public :
    « Crise de l'Université, provoquée par l'impuissance de ce grand corps à s'adapter aux nécessités modernes de la nation, en même temps qu'au rôle et à l'emploi des jeunes. Crise de la société, qui impose d'adapter notre économie non pas à telle ou telle catégorie d'intérêts particuliers, mais aux nécessités nationales et

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