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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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suspendue à cet accord. Il le considérait comme un grand succès et n'imaginait pas que Georges Séguy et Benoît Frachon n'allaient pas honorer leur signature.
    Double jeu de l'appareil communiste ? Sincérité de Séguy, pris à revers par un mouvement de foule ? Ou bien, le PC et la CGT, sur lesquels Pompidou s'appuyait pour défendre l'État, le régime, l'économie, en sont-ils arrivés à penser que le moment était venu de faire triompher la révolution ?
    L'échec, en tout cas, relance l'opposition politique, que le succès aurait privée d'aliment. La gauche non communiste, Mitterrand et Mendès France en tête, sont d'accord avec L'Humanité pour proclamer que le seul service que de Gaulle puisse désormais rendre à la France, c'est de s'en aller.
    Mais y a-t-il double jeu à l'envers, ou dissensions, dans ce que Waldeck-Rochet a dit, sur le ton d'une prière, à Jacques Vendroux 1 , qui s'est hâté de nous répercuter ce signal d'espoir dans les couloirs du Palais-Bourbon : « Dites bien au Général qu'il n'a pas le droit de s'en aller. »

    Missoffe : « La France est gouvernée par les deux Georges »
    Avant le Conseil du lundi 27 mai 1968 , 14 heures 45 .
    La plupart des ministres sont là avec un bon quart d'heure d'avance, comme s'ils voulaient se retrouver, au milieu du désarroi général, pour créer une bourse des informations et des analyses. Les visages sont graves ; certains, même, atterrés ou anxieux. Missoffe me dit : « De Gaulle doit se rappeler ce qu'il disait en mai 58, à la fin de la IV e : "Le pouvoir n'est plus à prendre, il est à ramasser." Nous en sommes de nouveau là. »
    La plupart de mes collègues pensent que le parti communiste s'apprête à être le ramasseur.
    Et pourtant, la stratégie de Pompidou est fondée sur le pari inverse : à savoir que le PC est le seul pilier sur lequel peuvent s'appuyer le gouvernement et l'État, puisqu'il est la seule force qui ne veuille à aucun prix de la révolution. Missoffe conclut par la formule : « La France est gouvernée par les deux Georges 2 . »
    Debré partage le sentiment de Pompidou : « Le parti communiste est un stabilisateur, face à la folie des enragés : quand il s'est mêlé d'organiser un cortège, comme le 13 mai, les non-étudiants, encadrés surtout par la CGT, étaient à dix contre un, face aux étudiants excités par les gauchistes. Il les a fait tenir bien tranquilles. » Mais il commence à douter : « Que se passera-t-il, demain ou après-demain, lorsque le PC aura compris qu'il est désavoué par sa propre base ? Personne ne peut le prévoir à l'heure actuelle, même pas les communistes. »
    Couve rappelle que le même processus s'est produit dans toutes les démocraties populaires à l'Est : pour commencer, un gouvernement d'union nationale ; puis, quand les choses sont mûres, le gouvernement tombe comme une poire blette et est remplacé par un gouvernement communiste avec quelques faux nez.
    Pour une fois, Malraux nuance Couve : « À l'Est, les troupes soviétiques étaient présentes, ou toutes proches. Même si elles ne sont pas intervenues, on pouvait craindre qu'elles le fassent. Ici, nous savons bien qu'elles ne le feront pas. »
    Mais ce qui s'est passé ce matin à Billancourt change tout. La rébellion de la base contre ses caciques crée une situation révolutionnaire. Des actions qui étaient dénoncées comme l'aventurisme des gauchistes peuvent maintenant devenir du réalisme.

    « Que personne ne parle de dévaluation ! »
    Conseil du lundi 27 mai 1968, 15 heures .
    Pompidou rend compte des accords de Grenelle. Malgré le refus des ouvriers de Renault, il continue d'afficher son optimisme : « Nous venons de traverser une crise très sérieuse. » (Nous nous regardons, et nos yeux signifient : « Mais nous ne l'avons pas traversée du tout ! ») Pompidou poursuit : « Les ouvriers de Renault veulent obtenir une rallonge. Il va falloir recommencer, ça coûtera un peu plus cher, mais ils ne pourront pas toujours refuser. »
    Quand il a fini, le Général, visiblement de fort méchante humeur, se fait expéditif : « Inutile de discuter ce qui a été fait ni ce qui va en résulter. Y a-t-il des objections ? Il n'y en a pas. Alors, nous considérons ces accords comme acceptés par le Conseil des ministres. »
    Pompidou reste d'un flegme exemplaire, se contentant d'allumer une cigarette. En maîtrise de soi, l'élève a dépassé le maître.
    Michel Debré demande la parole. De Gaulle

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