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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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occuper. On a nationalisé l'EDF car il fallait faire d'énormes investissements : des usines, des barrages, etc. L'État s'est substitué au secteur privé, parce que le secteur privé est défaillant, parce que les responsables de la vie économique ne sont pas à la hauteur. Ils veulent le profit sans le risque. Nous touchons là le fond du problème.
    AP. — C'est un cercle vicieux. Nous y tournons en rond depuis Colbert. L'État se substitue à l'industrie privée. Mais du coup, l'industrie est restée faible puisque l'État se substitue à elle. On l'a protégée de telle manière qu'elle n'avait plus à lutter. Elle est restée à l'état infantile.
    GdG. — Mais nous sommes comme nous sommes et il faut bien en tenir compte. En France, l'État doit se substituer au citoyen. Il fallait bien que l'État prenne les choses en main puisque personne ne les aurait prises à sa place. Si nous avions confié le téléphone au privé, les Américains nous auraient colonisés.
    AP. — Que l'État intervienne pour donner l'impulsion, c'est très bien. Mais que l'État ne se substitue pas au privé. Qu'il donne des commandes, des subventions, mais qu'il ne fasse pas les choses lui-même, il en est incapable.
    GdG. — Voyez la sidérurgie pourtant. Si l'État ne s'était pas saisi de l'affaire, elle aurait continué à végéter.
    AP. — Pour la sidérurgie, la méthode était la bonne. L'État n'a pas nationalisé la sidérurgie. De même pour le plan Calcul, l'État a donné l'impulsion. Il faudrait suivre cette méthode dans tous les domaines.
    « De même qu'il y a un délégué à l'informatique plus quelques collaborateurs, il faudrait un délégué aux PTT avec quelques collaborateurs, un délégué aux chemins de fer avec quelques collaborateurs, un délégué aux autoroutes avec quelques collaborateurs. Et tout le travail serait fait par des entreprises privées. Cela marcherait et ne coûterait rien.
    GdG. — Hélas, on en est loin. On ne remonte pas l'Histoire aussi aisément. »
    Est-ce parce que je lui parle en volontariste qu'il inverse les rôles et me parle en fataliste ? Je sens que l'entretien se bloque et change de sujet.
    Depuis six mois, j'ai commencé de réfléchir aux thèmes de ce qui deviendra Le Mal français 2 . Qu'en aurait-il pensé ? Que « nous sommes emprisonnés dans l'Histoire » ? Qu' « on ne remonte pas l'Histoire aussi aisément » ?

    « Pompidou a tout lâché »
    AP : « Puis-je vous poser une question que je me suis souvent posée depuis six mois que je ne vous ai pas vu ? Pendant les huit premiers jours des troubles universitaires de Mai, nous avons lutté pied à pied, nous avons cherché à contenir le feu et à le faire reculer. Je suis persuadé que si nous avions continué, cela aurait fini par s'éteindre. En tout cas, ce serait resté dans le ghetto étudiant comme dans tous les pays du monde. Ça ne se serait pas étendu aux adultes. Or, le samedi 11 après-midi, vous avez reçu le recteur Roche et moi-même. Nous vous avons exposé un plan : trois concessions, trois exigences. Vous l'avez accepté. Ensuite le Premier ministre est revenu d'Afghanistan. Il nous a dit qu'il fallait ouvrir la Sorbonne sans condition. C'était en contradiction avec toute la politique menée depuis huit jours. Je lui ai dit mon désaccord. Il m'a dit : "La confiance doit être entière." Il a balayé mes objections, mais je ne me faisais pas trop de souci car je me suis dit que vous alliez faire barrage. Il a tout de même fait son discours et je me suis dit que tout était perdu.
    GdG. — Je suis totalement d'accord avec vous. C'est ce jour-là que tout a été perdu, il fallait tenir bon, il fallait réagir fermement, plus fermement qu'on ne le faisait. J'aurais voulu qu'on arrête 500 étudiants au moins dans toutes les universités. Cela leur aurait fait du bien. Ils n'auraient compris que comme cela. Mais j'avais des scrupules, et puis j'étais moins près des réalités que Fouchet et vous, et que ce brave Joxe. Vous aviez tous peur de faire des drames. Alors je me suis laissé faire, mais j'ai toujours pensé qu'il fallait être implacable dès le début pour réprimer les désordres dans la rue ou à la Sorbonne, et même encore plus tôt, à Nanterre. Il ne fallait pas mollir, il ne fallait pas lâcher.
    « Pompidou a tout lâché, et de nouveau il a tout lâché à Grenelle. Il n'était pas nécessaire de tout lâcher. Les syndicats se seraient contentés de la moitié ou du

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