C'était de Gaulle, tome 3
sujet, à l'issue du Conseil du 18 décembre 1963.
AP : « Pour transformer le Sénat, vous pensez toujours à un référendum ?
GdG. — Évidemment ! Et même s'il était d'accord pour voter sa propre mort, ce qui n'arrivera jamais, je n'en voudrais pas. Il faudrait saisir le peuple.
AP. — Croyez-vous que le peuple soit passionné par le sujet ? Les gens resteront chez eux.
GdG. — C'est bien ce qui m'embête. C'est pour ça que je ne suis pas pressé, j'attends que les choses mûrissent, qu'une occasion soit propice.
AP. — N'est-il pas dangereux de substituer au Sénat, qui en fait ne nous gêne en rien, un Conseil économique et social qui va faire de la surenchère, et dans lequel toutes les revendications vont s'engouffrer ?
GdG. — Dans un pays, et surtout dans un pays comme la France, il faut bien que les revendications puissent s'engouffrer quelquepart. Pour le moment, elles s'engouffrent dans les grèves. Elles pourraient un jour s'engouffrer dans la rue. Il vaut peut-être mieux qu'elles s'engouffrent dans le Conseil économique et social.
AP. — Mais n'est-il pas dangereux de donner des pouvoirs étendus à des représentants qui vont vouloir siéger sans arrêt, pérorer continuellement et faire de la démagogie à tour de bras ?
GdG. — Le propre du Conseil économique et social est de réunir les intérêts des différentes catégories sociales et professionnelles. Ces intérêts sont rivaux. Ils s'opposent. C'est là que peut s'effectuer, dans le travail d'une assemblée, cet effort indispensable de mise en commun et d'explication. Les intérêts des patrons et des ouvriers ne sont évidemment pas les mêmes. Mais leur intérêt commun est qu'il y ait l'ordre, le progrès, l'expansion modérée et sans inflation. Le fait de vider leur sac en commun devrait les rapprocher et les amener à comprendre ce qu'il y a de commun dans leurs intérêts, et qui est l'intérêt même de la nation. C'est ainsi que pourraient s'élaborer des compromis, grâce à l'habitude de travailler ensemble. Je ne dis pas que ce soit facile, mais je dis que ça doit pouvoir se faire.
«Les gens du Conseil économique et social ne seront pas toujours de bons garçons. Ils ne diront pas toujours "O.K. !" Mais il faut quand même les consulter, et si on fait un effort pour établir un bon climat avec eux, on devrait pouvoir aboutir à un résultat. »
« Tout le monde trouvera naturel que la V e se complète »
Salon doré, après le Conseil du 17 juin 1964.
AP : « On dit au Sénat que Monnerville ne sera pas réélu président 4 .
GdG. — Bon. Je laisse cet état d'esprit se développer ; il apparaît déjà, l'année prochaine ça sera encore plus évident ; et dans deux ans, ce sera éclatant que le Sénat ne sert à rien. Et qu'au contraire le Conseil économique et social sert à quelque chose. Nous allons avoir le V e Plan, auquel il va prendre part beaucoup plus activement qu'aux Plans précédents. Nous avons maintenant les comités d'expansion régionale, qui lui sont plus ou moins rattachés. Enfin, il y a toute une évolution de la démocratie vers le social et l'économique, voyez-vous, qui implique l'apparition d'un corps, non pas législatif, mais représentatif au point de vue social et économique.
AP. — La commission Vallon pour réformer le Conseil économique et social a tourné court.
GdG. — Oui, le secrétaire général du Conseil économique 5 , qui avait peur de perdre son poste, a tout fait pour la saboter. Maison la remettra en route le jour où l'on voudra... Il ne faut pas faire de référendum avant l'élection présidentielle. Tandis qu'après, le régime étant définitivement établi par l'élection du Président de la République dans le même sens qu'actuellement, tout le monde trouvera naturel que la V e se complète, dans le sens où j'ai toujours dit qu'elle devrait se compléter. »
« Il n'y a rien à en tirer »
Au Conseil du 8 septembre 1965, Roger Frey commente l'élection des délégués sénatoriaux à la veille des prochaines élections sénatoriales. Il m'a précisé qu'il n'avait nulle intention de faire une communication sur un sujet aussi mince. C'est l'Élysée qui a « absolument voulu » qu'il fasse état de ces désignations. Il désire que je ne fasse aucun commentaire sur sa communication, et même qu'elle ne soit pas mentionnée dans le communiqué du Conseil.
Après le Conseil, je fais confirmer par le Général cette consigne de silence :
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