C'était de Gaulle, tome 3
pensez que le Conseil économique et social et les comités régionaux doivent se substituer au Sénat et aux conseils généraux ?
GdG. — Le Sénat et les conseils généraux auraient pu, s'ils s'en étaient montrés dignes, constituer ce qui va devenir la moitié régionale du Conseil économique et social. Mais leur mode d'élection respectif n'en fait que des organes sans rapport avec la France moderne. Ils représentent la France rurale du XIX e siècle, celle duseigle et de la châtaigne. Notre grande affaire est d'épouser notre siècle. Ce ne sont pas eux qui nous permettent de rattraper notre retard, puisqu'ils font tout pour l'accentuer. Vous pensez bien que je ne peux pas laisser tout ça comme ça. J'ai promis en 1958 de renouveler l'État. Je ne pouvais pas tout faire du premier coup, on m'aurait jeté dans la Seine. Il a fallu procéder par étapes. C'est bien avancé, mais cette tâche-là reste encore à accomplir. Je manquerais à mon devoir si je ne le faisais pas. »
« Nous n'avons que faire d'une seconde assemblée politique »
Trois semaines plus tard, à la suite du Conseil du 25 septembre 1963, je lui demande : « La réforme constitutionnelle dont vous m'avez parlé, pour la suppression du Sénat, la réorganisation du Conseil économique et social et l'aménagement des pouvoirs présidentiels, vous n'envisagez de la faire que par référendum ?
GdG. — Évidemment ! Comment voulez-vous faire autrement ? Une réforme constitutionnelle ne peut être menée à bien que par un référendum selon l'article 11. Surtout s'il s'agit du Sénat, vous pensez bien ! On ne pouvait pas obtenir qu'il vote une réforme constitutionnelle entraînant l'élection du Président de la République au suffrage universel, et vous voudriez qu'on lui fasse voter une réforme mettant fin à sa propre existence ?
AP. — Vous pensez toujours au Conseil à trois têtes dont vous aviez parlé à Bayeux 2 ?
GdG. — Non, la troisième ne se justifierait guère, les rapports avec l'Outre-Mer ne peuvent plus faire l'objet des délibérations d'une assemblée plénière et permanente.
« Quant aux collectivités locales, dont la représentation est maintenant la seule justification du Sénat, il n'est pas souhaitable qu'elles soient représentées par le Sénat tel qu'il est, ni par les conseils généraux tels qu'ils sont. On peut prévoir une représentation sur un autre modèle, par l'intermédiaire des comités d'expansion régionale que l'on est en train de mettre sur pied. On peut articuler le Conseil économique et social sur ces comités d'expansion régionale, de manière à lui faire représenter les forces économiques et sociales à la fois sur le plan national — comme c'est le cas maintenant — et sur le plan régional, par ces comités d'expansion. »
J'avais déjà entendu le Général me dire qu'il ne maintiendrait pas la section Outre-Mer dans le Conseil rénové, mais l'idée descomités d'expansion régionale est nouvelle : j'ai l'impression qu'elle est la conséquence de la lecture d'une note qu'Olivier Guichard lui a remise et qui l'a suffisamment intéressé pour qu'il y fasse allusion dans sa dernière conférence de presse 3 .
AP : « Comment pourra-t-on éviter de donner l'impression que nous cherchons seulement à supprimer une institution composée essentiellement d'opposants ?
GdG. — Il nous suffira de faire apparaître cette réforme comme un complément de la Constitution. Avant de partir, je veux laisser derrière moi une Constitution qui fonctionne vraiment bien. Le Sénat tel qu'il est, j'avais été obligé de l'accepter en 1958 parce que c'était inévitable dans le contexte de 1958. Mais maintenant, les choses ont évolué. Nous n'avons que faire d'une seconde assemblée politique. Du temps où le gouvernement était parlementaire, il fallait bien un contrepoids au pouvoir de l'Assemblée ; ce contrepoids, c'était le Sénat. Maintenant, le gouvernement n'est pas parlementaire, il dépend du Président élu au suffrage universel. C'est l'Assemblée qui maintenant fait contrepoids au Président. Mais un contrepoids n'a pas besoin de contrepoids. Le Conseil économique et social doit être rehaussé. Le Sénat, en tant que seconde assemblée politique, doit disparaître. Cette réforme est importante. Il faut donc un référendum pour l'accomplir. »
« Il faut bien que les revendications puissent s'engouffrer quelque part »
Deux mois ont passé. Je reviens sur le
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