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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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me joins au cortège. Par respect pour la foule immense qui attend de passer, nous ne nous attardons pas devant le caveau béant où le cercueil vient d'être descendu à côté d'un autre cercueil, celui d'Anne de Gaulle. Le plus illustre des Français repose à côté d'une petite handicapée tendrement aimée, sa fille.
    D'anciens proches collaborateurs du Général, Gilbert Pérol, Pierre-Louis Blanc sont là. Puisqu'ils étaient ses familiers, ils auraient pu dire qu'ils étaient de sa famille. Mais un respect des dernières volontés du Général les a retenus, eux aussi, d'entrer dans l'église.
    A la sortie du cimetière, je retrouve Jacques et Cada Vendroux. À côté d'eux, l'évêque de Langres, Mgr Atton, qui vient d'officier. Nous faisons quelques pas pour nous dégager de la foule, puis Jacques Vendroux me prend le bras :
    « Venez avec nous à la Boisserie. Je ne peux pas faire venir tous les compagnons de la Libération, mais je suis sûr que ma soeur sera heureuse de vous voir, et ses enfants aussi. »
    Il emmène aussi l'évêque, qui va faire ses adieux à la famille.
    Nous marchons tous quatre sans nous hâter sur la petite route. Étrangement, il flotte dans l'air comme une sérénité qui n'est pas loin de la joie. Parce que mes trois compagnons de route croient à l'éternité de l'âme, sans se poser des questions qui sont pour eux résolues ? Parce qu'ils ont le sentiment d'un extraordinaire parcours sans faute ? Ou qu'ils sont soulagés de savoir que le Général a cessé de souffrir ?
    Vendroux : « On ne pourra sans doute jamais le démontrer, mais j'ai l'intime conviction que le chagrin a eu raison de lui. Cet anévrisme, il l'avait depuis toujours. Ça tenait bon quand il était porté par sa tâche, quand il savait que les Français comptaient sur lui. Quand il a vu qu'ils le rejetaient, il ne l'a pas supporté. Le professeur... (je n'ai pas retenu le nom) me le disait ce matin : "C'est une mort psychosomatique. Une petite malformation dontson organisme s'accommodait très bien, il a fini par ne plus la supporter quand ce chagrin lancinant l'a envahi." »
    On entrouvre pour nous la grille de la Boisserie, dont avait surgi, une heure plus tôt, l'engin blindé de reconnaissance portant le cercueil recouvert d'un simple drapeau tricolore. Mme de Gaulle et ses enfants sont déjà arrivés, ramenés en voiture.
    Dans la salle de séjour de la Boisserie, il y a encore les tréteaux sur lesquels reposait le cercueil. Alentour, comme si le Général était toujours là, Mme de Gaulle, Philippe et sa femme, Elisabeth et son mari, restent figés dans le silence. Mme de Gaulle me dit simplement : « Il vous aimait bien, il m'a parlé de vous l'autre jour, il venait de recevoir votre lettre. » La lettre par laquelle je le remerciais des Mémoires d'espoir qu'il m'avait offerts.
    Je m'efface devant l'évêque de Langres qui prend congé.
    Mme de Gaulle fait un pas vers moi : « Il a été miné par le chagrin, me dit-elle. Vous n'imaginez pas à quel point il a souffert. »
    Je proteste qu'il ne pouvait pas trouver de plus belle fin ; que les Français commençaient à se repentir de leur vote ; que la légende de cet homme, si contesté de son vivant à cause des décisions courageuses qu'il avait dû prendre, prenait déjà son essor.
    Rien n'y fait. Elle s'obstine à répéter : « Il a tant souffert. Cette mort est pour lui une délivrance. »
    Le capitaine de vaisseau Philippe de Gaulle me dit des mots amicaux : « Il vous aimait bien. Il appréciait la façon dont vous traduisiez sa pensée. »
    Il ne faut pas que je m'incruste. Je retiens mes larmes jusqu'au seuil de la maison.
    1 Chancelier de l'ordre de la Libération.
    ** Dans un texte rédigé le 15 janvier 1952, le Général a indiqué ses volontés pour ses obsèques:
    « Je veux que mes obsèques aient lieu à Colombey-les-Deux-Églises. Si je meurs ailleurs, il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique.
    « Ma tombe sera celle où repose déjà ma fille Anne et où, un jour, reposera ma femme. Inscription : Charles de Gaulle (1890-...). Rien d'autre.
    « La cérémonie sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle-fille, aidés par mon cabinet, de telle sorte qu'elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas d'obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d'assemblées, ni corps constitués. Seules les Armées françaises pourront participer officiellement, en tant que

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