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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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« Vous n'en dites rien. Je n'attache aucune importance à ces élections-là, ni à celles des sénateurs eux-mêmes, qui vont suivre. Ça ne compte pas. Pas plus que les élections cantonales. Le Sénat est à moitié mort, les conseils généraux sont assoupis. Tout ça, ce sont de vieux kroumirs racornis. Il n'y a rien à en tirer. »
    Mais alors, pourquoi a-t-il fait demander à Roger Frey de faire cette communication ? C'est que la question du Sénat ne cesse de le préoccuper, même s'il le considère comme « à moitié mort ». Pompidou-Sancho Pança, comme de Gaulle-Don Quichotte, observent que le Sénat ne sert à rien. Mais, de cette prémisse identique, le premier déduit qu'il est « inutile de le supprimer », et le second que c'est au contraire « indispensable ». Voilà trois ans que le Général se prépare à franchir l'obstacle — mais il ne le saute toujours pas.
    Il craignait sans doute de renouveler sa déception du référendum constitutionnel d'octobre 1962, qui n'avait pas obtenu la majorité des inscrits. Il ne cessa de guetter «l'occasion propice ». Après sept ans de patience, et avec un certain sentiment d'impatience, il crut l'avoir trouvée en 1969.
    Après son échec et son départ, il dut voir un symbole dans le fait que celui que la Constitution installait par intérim à l'Élysée demandait aux Français de l'y maintenir pour de bon. Il dut être soulagé de la défaite d'Alain Poher. Mais il ne put que conserver jusqu'à sa mort le regret de cette République incomplète — privée, non pas d'une assemblée nationale bis, non pas d'une autre scène pour le ballet des partis, mais du grand forum représentatif de sa diversité et de sa modernité.
    1 Le 2 février 1969, à Quimper, de Gaulle expose la réforme des régions et du Sénat et confirme qu'elle sera soumise à référendum. La date du référendum est fixée au 27 avril par le Conseil des ministres du 19 février.
    2 Dans son discours de Bayeux (juin 1946), le Général avait proposé un Conseil composé de trois sections distinctes, l'une pour la représentation des collectivités locales, une autre pour celle des intérêts économiques et sociaux, la troisième pour celle des territoires de l'Union française.
    3 Conférence de presse du 29 juillet 1963, Discours et Messages, t. IV, p. 116.
    4 Il le sera pourtant : Alain Poher ne lui succédera qu'en octobre 1968.
    5 Jean Mamert, maître des requêtes au Conseil d'État, secrétaire général du Conseil économique et social de 1959 à 1972.

Chapitre 10
    RETOUR À COLOMBEY
    9 novembre 1970.
    Le Général est mort. Surprise, douleur, houle des souvenirs.
    Puis, sentiment d'un accomplissement — une mort simple et forte, à sa mesure.
    Plus tard Philippe de Gaulle et Alain de Boissieu me diront l'un et l'autre qu'en janvier 1966, après sa réélection,,il leur avait annoncé son intention de partir le jour de ses 80 ans. À son étrange façon, l'intention s'est réalisée.
    Colombey, 12 novembre 1970.
    Je me demandais comment j'allais me rendre aux obsèques, quand Hettier de Boislambert 1 me téléphone: « J'ai organisé un train spécial et des autocars pour conduire les compagnons de la Libération à Colombey. Je vous invite, ainsi que Couve, Joxe et Gorse, à vous joindre à nous ; je sais que le Général vous aimait bien. »
    Le grand portail de l'église est fermé. À la porte de gauche, un filtrage. Boislambert se présente le premier et veut nous faire passer tous quatre avant lui. Couve, Joxe et Gorse pénètrent dans l'église. Boislambert me pousse gentiment. Je m'efface : « Non. Il a dit : les compagnons de la Libération**. Je ne le suis pas. Non sum dignus. » Il fait mine d'insister, puis s'incline : « Comme vous voulez. »
    Sa cohorte s'engouffre derrière lui. Mes trois collègues ne sont pas plus compagnons que moi ; mais ils ont été ses familiers depuis au moins 1943 ; je ne suis arrivé que quinze ans plus tard. Je m'adosse, dehors, au grand portail fermé, entre deux soldats l'arme au pied. Une immense foule est déjà massée autour de l'église.

    Quand les battants se rouvrent, Jacques Vendroux, un des premiers à sortir, m'aperçoit. Il me dit gentiment à voix basse : « Mais pourquoi n' êtes-vous pas entré ?
    AP. — Le Général a dit : la famille, le village, les compagnons. Je n'en suis pas.
    Vendroux. — Vous êtes trop scrupuleux. »
    Derrière le cercueil porté par dix garçons du village, suivi par la famille, je

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