C'était de Gaulle, tome 3
mot « investiture » ait été banni de la Constitution est significatif.
L'Assemblée n'investit pas le Premier ministre, déjà pleinement Premier ministre et chef d'un gouvernement constitué et effectif. Elle approuve sa politique, ou s'abstient de la désapprouver. C'est de l'ordre de l'assentiment, du consentement. Consentement équivalent, qu'il dise oui ou qu'il ne dise pas non.
Les trois cohabitations que nous avons connues mettent radicalement en cause cette philosophie initiale, et à mes yeux capitale, de la Constitution.
François Mitterrand en nommant Chirac ou Balladur, Jacques Chirac en nommant Jospin, n'ont pas imaginé faire d'eux leur délégué. Ils ont anticipé sur une légitimation parlementaire. Ils ont abandonné la légitimité déléguée pour la légitimité transférée.
Ils ont cru préserver ainsi leur propre légitimité. Comme sielle pouvait être isolée du fonctionnement politique général. Mais, en réalité, à la longue, la légitimité présidentielle risque fort de se dissoudre par manque d'usage. Qu'est-ce que la légitimité d'un élu, sinon de faire ce pour quoi il a été élu ? Et pour quoi un Président de la République est-il élu, si ce n'est pour diriger le pays ? Telle était, en tout cas, la pensée profonde du fondateur de la V e République.
Trente-trois ans plus tard, le temps passé souligne ce que le moment a d'exceptionnel : comme s'il résumait tout de Gaulle.
De Gaulle, c'est l'affirmation de la France et l'affirmation de l'État.
Ici, sur le De Grasse, il est venu affirmer la France, en consacrant son indépendance nucléaire : « C'est une résurrection », s'écriera-t-il demain 7 .
Ici, sur le De Grasse, il vient d'affirmer l'État, en ramenant la légitimité à sa source, le peuple, et à son détenteur, le Président de la République.
Ce sont les deux colonnes du temple.
Ce double message, trente-trois ans après, que faire d'autre que d'en laisser le dépôt dans la conscience et pour la réflexion des Français ?
« La question est de savoir si la réalité nouvelle va devenir une habitude »
Conseil du 21 décembre 1966.
Dumas fait le bilan de la dernière session parlementaire avant les élections législatives. Le Général commente.
GdG : « Au total, ce fut la première législature normale. Elle a conduit ses travaux sans crise et abouti à des résultats considérables. La question est de savoir si la réalité nouvelle va devenir une habitude. Cela implique que la règle constitutionnelle nouvelle, qui est évidemment un changement profond, soit acceptée par tous : le pouvoir exécutif réside dans le chef de l'État et dans le gouvernement ; le Parlement se contente de légiférer et de contrôler. Si cela continue, une mutation du personnel politique s'ensuivra.
« L'action du gouvernement a été très bonne. À commencer par l'exemple qu'il a donné de sa propre cohésion. C'est essentiel, et cela tient d'abord à l'action du Premier ministre, et ensuite à la manière dont le gouvernement et en particulier le Premier ministre se sont manifestés au Parlement.
« On dit que cela dure parce que le général de Gaulle est là... Peut-être... Ce n'est pas une raison pour que cela cesse tout de suite. »
« Jamais vous n'auriez dû dire ça, jamais ! »
Montcuq, 19 février 1967.
Je suis dans le Lot pour y soutenir la campagne de mon ami Jean-Pierre Dannaud, qui s'efforce de déboulonner un cacique entre les caciques de la IV e , Maurice Faure. Hier, à Saint-Affrique, j'ai développé l'idée que le Président, si la majorité parlementaire devenait minorité, « continuerait à assumer son mandat », et que « la source de son pouvoir exécutif » résidait en lui et non dans l'Assemblée. Ces propos ont immédiatement soulevé un tollé de l'opposition, pour qui la soumission ou la démission du Président est la suite légitime et nécessaire d'un renversement de majorité. On crie déjà à la dictature. On en dénonce par avance l'instrument : l'article 16. Le lendemain, à Montcuq, un contradicteur me lance : « Alors si votre de Gaulle n'a pas la majorité, il va prendre l'article 16 ? » Me souvenant des propos que le Général m'a tenus à bord du De Grasse, je crois pouvoir lui répondre du tac au tac : « C'est une hypothèse absurde. L'article 16 est fait pour répondre à une situation révolutionnaire. »
La presse donne aussitôt à ces déclarations un retentissement dont je me serais passé. Le
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