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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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nomme haut-commissaire, ce sera avec cette mission expresse." Il m'a déclaré : "Je vous la ferai, mon général, votre bombe." Je lui ai répondu : "Alors, vous êtes haut-commissaire ! " Là-dessus, parce que Moscou ne voulait pas que la France ait sa bombe, il n'a pas voulu s'en occuper, jusqu'au jour où on a fini par le flanquer à la porte 4 . On a dû attendre 1960 pour qu'aboutissent les recherches en vue desquelles le CEA avait été créé 5 . Alors qu'en 39, les chercheurs français étaient les plus avancés de tous les atomistes du monde, il aura fallu quinze ans après la création du Commissariat, alors qu'il a suffi de quelques années aux Américains et aux Anglais. Voyez ça de près. Enfin... C'était la IV e . Mais aujourd'hui ?

    « Je veux le premier essai thermonucléaire avant de partir »
    « J'ai l'impression que ça recommence pour la bombe H. Pourquoi le CEA n'arrive-t-il pas à la mettre au point ? En février 60, quand nous avons fait notre première expérience atomique, on m'a dit : le thermonucléaire, c'est pour 65. Puis on m'a parlé de 70. Maintenant, on me parle de 75 ! Il n'est pas question d'attendre si longtemps ! »
    Il baisse la voix, comme pour une confidence :
    « Ce septennat qui commence, je ne le finirai pas. Il a bien fallu que je me présente, pour assurer le coup. Mais je n'irai pas jusqu'au bout. Seulement, avant de partir, je veux que le premier essai thermonucléaire ait eu lieu ! Vous m'entendez ! C'est capital. Allons-nous être, des cinq puissances nucléaires, la seule qui n'accédera pas au niveau thermonucléaire ? Allons-nous laisser les Chinois nous dépasser ? Si on n'y arrive pas tant que je suis là, on n'y arrivera jamais ! Mes successeurs, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre, n'oseront pas braver les criailleries des Anglo-Saxons, des communistes, des vieilles filles et des curés. Et nous resterons devant la porte. Mais si une première explosion a eu lieu, mes successeurs n'oseront plus arrêter la mise au point des armes.
    AP. — Quel délai me donnez-vous ?
    GdG. — 1968 au plus tard. »
    Je ne peux m'empêcher de lever les bras.
    « Avant la fin de 68, répète-t-il. C'est le dernier délai ! Depuis 1960, ces équipes de chercheurs n'ont pas de tâche plus importante que de passer de la bombe A à la bombe H. Deux années, au grand maximum, devraient maintenant suffire. Que diable ! Renseignez-vous exactement sur le temps qu'ont pris les Américains, les Anglais, les Russes. Tout ça, c'est votre affaire.
    « Ne parlons pas d'espionnage. Mais enfin, je vous le redis, nous étions les premiers pour les recherches atomiques en 1939 — et l'Allemagne la première pour la balistique. Les Anglo-Saxons ont tout raflé, les chercheurs et les recherches. Puis, les Russes se sont approprié par espionnage tous les secrets des Anglo-Saxons. Puis les Chinois en ont profité à leur tour. Il n'y a que nous qui ne sommes pas foutus de féconder nos recherches en allant chercher du pollen chez les autres. »
    Je croyais de Gaulle visionnaire en stratégie, en géopolitique, en diplomatie. Je vois qu'il l'est aussi dans un domaine qui lui était largement étranger au départ.

    « Soyez vigilant. Les Anglais sont flanchards »
    L'aide de camp entrouvre et referme avec insistance la porte. Le Général ne m'a pas encore parlé du troisième volet, mais il me semble que je dois faire le geste de me lever. Le Général se lèveaussi. L'audience prend fin. A-t-il oublié l'espace ? Pas du tout : « Je n'ai pas eu le temps de vous parler de l'espace, il faudra que je vous en parle une autre fois. »
    De ces choses qu'on dit pour se débarrasser de quelqu'un ? Il me soupçonne peut-être de l'avoir pensé. Debout, en me reconduisant à la porte, il ajoute, pour ne pas risquer d'avoir fait une promesse de pure forme : « En deux mots, pour l'espace. Ces fusées que nous lançons d'Hammaguir marchent bien. Nous avons été le troisième pays à mettre des satellites en orbite. Ça au moins, ça marche. Nous ne comptons que sur nous-mêmes ; et nous n'avons eu aucune mauvaise surprise, ni du côté de l'organisme qui fabrique les lanceurs 6 , ni du côté de celui qui fabrique des satellites 7 . Nous devenons la troisième puissance spatiale. Mais quand on dépend des autres, c'est moins sûr. Nos moyens financiers ne nous permettent pas de faire par nous-mêmes autre chose que les fusées dont nous aurons besoin pour notre force nucléaire, les fusées sol-sol

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