C'était De Gaulle - Tome I
Nord. Nous avons trois systèmes, il faudrait les homogénéiser.
Pompidou. — Les coordonner, oui; mais les "homogénéiser", c'est beaucoup dire. Un fonctionnaire français trouve plus préoccupant de s'engager pour deux ans en Algérie qu'au Maroc. Certains fonctionnaires retournés en Algérie auraient été enlevés; ça fait réfléchir les autres. Il ne faut pas non plus pénaliser celui qui est resté à son poste par rapport à celui qui est parti et revenu. Si des fonctionnaires français sont jaloux, ils n'ont qu'à y aller. Même pour un pays aussi calme que le Maroc, il a fallu beaucoup de primes pour décider les fonctionnaires à s'y rendre après l'indépendance.
GdG. — Les Algériens se conduisent très mal vis-à-vis d'eux-mêmes. Ils sont incapables de faire un gouvernement, d'assurer l'ordre, d'appliquer les accords d'Évian. Il y a des sévices et des exactions à l'encontre des Européens. Si les Algériens s'imaginent que nous sommes des vaches à lait, ils se trompent. Pour leur budget, c'est à eux de se débrouiller. Il faut les faire attendre, les menacer, leur faire comprendre qu'ils vont tomber dans un gouffre.
Pompidou. — Mais ne nous dissimulons pas que la catastrophe finale pèserait sur la France. Nous sommes trop liés les uns aux autres. Les biens français en Algérie sont un actif pour la France. Or, s'il y avait cessation des paiements et des transferts, l'actif cesserait d'avoir une quelconque valeur. Il y aurait effondrement de la coopération, suivi d'une coupure profonde.
« Nous sommes dans la situation d'un banquier qui soutient une affaire mal gérée. Il hésite toujours à lui couper les crédits, car il la condamnerait à la faillite et se condamnerait à perdre ses propres sous : son intérêt est de lui tenir la tête hors de l'eau. Notre intérêt est de permettre à l'Exécutif provisoire de ne pas cesser ses paiements et à la Banque d'Algérie de ne pas cesser ses transferts. Mais nous devons exercer les pressions les plus énergiques.»
« Ils sont naifs, ou d'un cynisme énorme »
De Gaulle reprend tous les éléments évoqués: «Il faut laisser la porte ouverte à l'avenir ; puis on peaufinera. Dans l'immédiat, il faut rassurer. Car nous engageons l'avenir. Que les fonctionnaires sachent rapidement de quoi il retourne! Qu'ils aient des raisons d'aller en Algérie, ou d'y rester! Et qu'il soient fixés d'ores et déjà sur leur sort! Il faut faire la rentrée scolaire. Si la coopération ne doit pas marcher, que ce ne soit pas par notre faute! Mais elle finira bien par marcher, et pour cause.
«Le concours financier qu'on nous demande nous donnel'occasion — la première, mais il en viendra d'autres — de faire pression sur tous ces gens-là pour qu'ils se résolvent, à la fin des fins, à être autre chose que ce qu'ils sont en ce moment, c'est-à-dire pour qu'ils s'organisent. Sinon, ils périront! C'est une bonne occasion d'en faire la démonstration. Pas question de leur prêter un concours financier, sans poser des conditions fermes.
« Pour la trésorerie, nous pouvons annoncer que nous ne ferons rien tant que nous n'avons personne devant nous. L'Exécutif provisoire est sans autorité. Le GPRA est évanescent. Messieurs, préparez vos élections! Formez votre gouvernement! Nous pouvons ainsi beaucoup contribuer à ce que les élections se fassent vite et bien, à condition de ne rien leur donner avant. Nous n'avons devant nous que des fantômes. Nous ne parlerons qu'à un gouvernement qui sortira d'un suffrage.
« Ils sont naïfs, ou alors d'un cynisme énorme, s'ils nous prennent pour autre chose que ce que nous sommes — je veux dire : ce que nous sommes devenus.
« Ils nous demanderaient en somme de payer l'ALN, qui ne fait que des sottises ? De pourvoir à leurs dépenses d'État, quand ils n'ont pas d'État ? Ça n'a aucune espèce d'intérêt, ni pour nous, ni pour eux ! Ça ne ferait qu'augmenter le désordre! Nous devons refuser toute aide tant qu'ils ne sont pas en état de la recevoir. Il faut faire la bête: " Formez votre gouvernement, nous verrons après ! " Ne nous précipitons pas pour les arroser! Plus nous les arroserons, plus il y aura d'anarchie !
« Ben Bella et ceux qui l'entourent, il faut qu'ils sentent passer le vent du boulet. Ils vont à la faillite, à l'effondrement, et ils seront incapables d'y faire face. Ils se servent sur la bête. Ils pressurent pour payer leur ALN. Tant qu'ils ne feront pas de bonne
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