C'était De Gaulle - Tome I
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Pompidou me raconte, mi-plaisant, mi-sérieux: «Le Général a déclaré à Mme de Gaulle : "Je vous le dis, Yvonne, tout ça se terminera mal. Nous finirons en prison. Je n'aurai même pas la consolation de vous retrouver, puisque vous serez à la Petite Roquette et moi à la Santé." »
Je n'ose pas lui demander s'il le tient de Mme de Gaulle, ou d'un aide de camp, ou s'il a été témoin de la boutade. En tout cas, il ne le tient sûrement pas du Général — ce n'est pas son genre de citer ses propres mots.
Dans la bouche de Pompidou, le propos prend un accent de gaieté — cette gaieté que tous les ministres apprécient chez lui. Il a le don de se dédoubler. Il sait se mettre à la fenêtre pour regarder le cortège défiler (lui-même en tête) dans la rue. Nous avons bien besoin de cette prise de distance, dans l'état de tension permanente où nous sommes.
Au Conseil du 31 juillet 1962, Pierre Dumas: «Au cours de cette session, les relations avec le Parlement se sont nettement améliorées. C'est l'œuvre personnelle de M. Pompidou. Elle a été très appréciée du Parlement. »
Personne ne sourit de ce coup de brosse à reluire. L'hommage, chacun le sait, est justifié : Pompidou a passé, pendant cette session, de longues heures dans les couloirs de l'Assemblée. Un mégot au coin de la lèvre, un œil plissé, mi-attentif, mi-narquois. Jamais avare de son temps. Jamais agacé par le harcèlement des députés qui ont toujours quelque requête à lui présenter, quelque conseil à lui donner. Comme je m'étonnais de son assiduité, il me répond: « Il faut bien compenser le départ du MRP. Et puis, j'ai du rattrapage à faire, je connais si mal le milieu parlementaire. »
« C'est la République des mauvais camarades »
Au Conseil du 8 août, Joxe fait son point hebdomadaire de la politique intérieure algérienne. Cela ne paraît intéresser que médiocrement le Général:
« Le GPRA, qui était resté "l'autorité légale de la Révolution", disparaît. Mostefaï, l'adjoint de Farès dans l'Exécutif provisoire, paie ses négociations avec Susini et l'OAS : il avait "collaboré avec l'ennemi". Ben Bella devient l'animateur politique du "bureau politique", qui remplace le GPRA. Sont victimes de règlements de comptes: Ben Tobbal, le second de Belkacem, qui a assumé la conduite matérielle de la guerre, Boussouf, bouc émissaire pour quelques exécutions sanglantes à la fin de la guerre, et quelques autres. Les élections se feront au scrutin de liste départemental à un tour: c'est du cousu main. Tout le monde est candidat, sauf ceux qui sont au tapis.
GdG. — C'est la République des camarades, mais plutôt des mauvais camarades.
Joxe. — Ou celle des faux frères. Ben Bella se tourne du côté du Caire, dont il a l'appui et l'amitié. Il y a une intrusion de l'Égypte dans les affaires algériennes, où elle essaie de causer un trouble constant. »
Puis il passe aux difficultés de la coopération: « Jeanneney est allé dans les secteurs où il y a le plus de désordres. Sur un total d'un millier de disparus (d'après l'ambassade), il y aurait eu une centaine de restitutions depuis le 26 juillet. L'Exécutif provisoire a les plus grandes peines à encaserner l'armée et à éliminer la justice parallèle.
«Farès demande notre aide non seulement en fonctionnaires, pour l'assistance technique et l'enseignement, mais aussi en argent, sous une forme incroyable, sur une simple note: "Nous avons besoin de quarante-deux milliards d'avance, en échange de quoi on pourrait trouver sept milliards de recettes par une fiscalité alourdie sur les vins, les alcools et les tabacs." Il confond trésorerie et budget. C'est puéril!
Giscard. — La première chose qui s'impose à l'État algérien, c'est de mettre en ordre son budget. Nous ne pouvons pas consentir à pourvoir à sa trésorerie, sans savoir sur quelles bases nous devons le faire et à qui nous aurons affaire.
GdG. — Ça demande examen.
Giscard. — La situation des finances algériennes est désespérée. Les dépenses s'effectuent à un rythme très supérieur aux prévisions, et il n'y a pas de rentrées.
GdG. — Ils n'ont pas d'argent, ils comptent sur notre budget. C'est une coque vide, puisqu'ils n'ont pas de recettes. Ils ont beau prélever des fonds sur des recettes qu'ils n'ont pas, ils ne recevront pas un sou de plus.
Couve. — Il sera difficile de ne pas faire autant pour les trois pays d'Afrique du
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