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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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armées, disposant de pouvoirs exceptionnels en cas de danger pressant pour la nation, capable de faire appel au peuple par le référendum et la dissolution ; un Premier ministre désigné par lui sans investiture de l'Assemblée nationale, tout en restant responsable devant elle ; un pouvoir législatif à deux chambres, l'Assemblée nationale ayant le dernier mot.)

    « ...N'y avait-il vraiment aucun moyen de mettre cette architecture en place dès 1945, avant que le jeu des partis ne recommence à régner en maître ?...
    (Il y aurait eu bel et bien deux moyens, que le Général devait utiliser successivement par la suite, mais que rien ne l'eût empêché d'utiliser dès 1945, puisqu'ils étaient parfaitement démocratiques.
    Le premier moyen lui avait été recommandé en 1943 par Pierre Brossolette, lui-même militant de la SFIO, brillant intellectuel, résistant héroïque qui préféra se jeter d'un cinquième étage plutôt que de risquer de parler sous la torture. Ce moyen consistait à créer son propre parti.)
    « ... Les anciens partis étaient si discrédités que vous auriez rassemblé à coup sûr une très large majorité, si vous aviez suivi le conseil de Pierre Brossolette.
    GdG. — Je voulais être l'homme de la nation, non pas celui d'un parti. Je n'ai pas suivi Brossolette. »
    Il ne dit pas : « J'ai peut-être eu tort. » Il n'aime pas battre sa coulpe ; mais j'ai comme une intuition qu'il le pense.
    AP : « Vous avez recouru précisément à cette méthode en créant le RPF, en 1947. Mais le moment favorable n'était-il pas passé ? La IV e République s'était installée. Les partis s'étaient reconstitués en force. Vous ne pouviez plus construire un vaste rassemblement sur une table rase. Il ne vous restait plus que la possibilité de créer un mouvement hostile à un régime qui apparaissait désormais comme légitime. C'était beaucoup plus aléatoire. »

    « Vous n'imaginez pas à quel point les partis me rejetaient »
    Il ne répond pas. Je reprends quand même :
    « Jules Jeanneney 5 vous avait conseillé une seconde méthode : que vous et votre gouvernement, vous prépariez vous-mêmes un projet de Constitution, que vous en fassiez débattre une commission de Sages composée, notamment mais non uniquement, de membres de l'Assemblée élus au suffrage universel, et que vous le fassiez adopter par référendum. C'est-à-dire exactement la méthode que vous deviez utiliser en 1958.
    GdG. — Évidemment, j'aurais pu. Avec des suppositions, on peut refaire l'histoire. Mais j'avais annoncé qu'une Assemblée constituante serait élue dès la fin de la guerre. Je n'aurais pas réussi à faire l'unité de la Résistance si je n'avais pas pris publiquement cet engagement. Et vous n'imaginez pas à quel point les partis me rejetaient. »
    Cette défense ne me parut ni tout à fait convaincante, ni tout à fait convaincue ; avec le recul, je demeure persuadé que rien ni personne n'aurait pu l'empêcher d'utiliser avec succès l'un ou l'autre de ces deux moyens, ou les deux, en 1945, dans l'euphorie de la victoire — dans l'enthousiasme de cette stupéfiante prouesse par laquelle il avait fait, de la France en déroute de juin 40, l'une des quatre puissances signataires de la capitulation allemande, l'un des quatre occupants de l'Allemagne et de l'Autriche, l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
    On voit là les limites d'une réussite. De Gaulle s'était imposé aux géants de la guerre. Et il s'est laissé ligoter par les rescapés et les continuateurs de la III e République, comme Gulliver par les Lilliputiens.

    « Pour eux, j'avais fait mon temps, c'est-à-dire la guerre »
    Le Général reprend : « Vous n'imaginez pas comme la vision que j'avais de l'État était refusée et comme j'étais refusé moi-même ! Même des hommes qui m'avaient suivi, tenez, comme ce pauvre André Philip 6 , étaient horrifiés à la pensée qu'on pourrait ne pas revenir au régime d'assemblée. Ils n'imaginaientmême pas qu'autre chose fût envisageable. Et pas seulement les caciques de la III e République : c'était l'esprit du temps. Je n'aurais pas pu gagner contre les partis coalisés. Le parti communiste, à lui seul, représentait le tiers du corps électoral, et ses électeurs suivaient au doigt et à l'œil ses consignes. Les états-majors déclaraient que j'avais fait mon temps (il détache les mots et rit), c'est-à-dire la guerre.
    AP. — C'est exactement comme en 62.

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