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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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détesté à contretemps. Il suscita autour de lui des haines inutiles et de vains dévouements. Plus qu'en toute autre époque de sa vie, il fut pendant ces douze années un signe de contradiction.

    Paris, 25 septembre 1962.
    Raymond Aron et moi déjeunons à la maison. Il m'interroge sur l'origine de mon gaullisme. « Comme vous êtes conformiste ! me répond-il en souriant. J'ai fait exactement le contraire. J'ai été anti-gaulliste pendant la guerre, quand il fallait être gaulliste ; j'ai été gaulliste de 46 à 58, quand il fallait être anti-gaulliste ; et je suis redevenu anti-gaulliste depuis 58, quand il faut être gaulliste ! » Aron aime déployer son esprit critique pour penser en marge des autres — mais nos parcours inverses montrent combien le Général a pu déconcerter.
    1 Mgr Coppenrath, évêque de Tahiti, et son frère, conseiller territorial, présents ce jour-là, m'ont authentifié ce texte, reconstitué et publié alors dans le Bulletin de l'association des anciens du bataillon du Pacifique.
    2 Directeur des Affaires économiques au ministère de la France d'outre-mer, dont Robert Buron avait été récemment le titulaire.
    3 Le gouvernement Félix Gaillard, démissionnaire, expédiait les affaires courantes.
    4 Ministre belge des Finances, qui avait redressé la situation économique et financière de son pays par des mesures drastiques, telles qu'un échange de monnaie.
    5 Le dernier président du Sénat de la III e République, devenu ministre d'État dans le gouvernement provisoire.
    6 Député SFIO dans la Chambre du Front populaire, André Philip s'était rallié à de Gaulle à Londres comme « au seul membre demeuré libre du dernier gouvernement libre de la III e République ».
    7 Pour les mêmes raisons, Mendès France, reprenant la parole le 5 février 1955 après avoir été renversé, souleva l'indignation de ses adversaires et de beaucoup de ses amis : il n'avait plus que le droit de se taire.
    8 La loi électorale de mai 1951 introduisait le « scrutin de liste départemental majoritaire à un tour avec apparentements de listes, panachage et vote préférentiel ». En pratique, il suffisait que les candidats se réclamant de la « troisième force » (SFIO, MRP, Radicaux et Radicaux-socialistes, Indépendants) décident de s'apparenter, pour qu'ils raflent la plupart des sièges. Les communistes, le RPF et une partie des modérés votèrent contre cette loi. Jacques Chaban-Delmas raconte qu'un mauvais horaire des trains venant de Bordeaux ne lui permit pas de convaincre de Gaulle qu'il allait tenir le pouvoir en acceptant de s'apparenter à la troisième force.

Chapitre 4
    LE «COMPAGNONNAGE»
    Paris, 5 octobre 1958.
    Je croyais le mot compagnon réservé aux Compagnons de la Libération, ce millier de héros laurés à la fin de la guerre — dont quatre cents survivaient, entourés de révérence. Au Café du Commerce de Melun, j'ai appris que le mot a un tout autre sens, moins épique : militant du parti du Général. Me voilà entré dans le compagnonnage.
    Mais il ne suffit pas d'être accepté du bout des lèvres par les « compagnons » de Seine-et-Marne. Il faut en outre être accepté par les « barons » à Paris. Je n'en connais aucun.

    « Je ne permets à personne de se servir de mon nom »
    Marc Jacquet m'adresse à Roger Frey 1 . Celui-ci me déclare, dans un délicieux sourire : « Marc m'a assuré que vous étiez ce qu'il nous fallait. J'en doute un peu. Ce qu'il nous faut, ce sont des élus locaux ayant fait leurs preuves de dévouement inconditionnel au Général, et qui soient prêts à le suivre perinde ac cadaver 2 . Nous n'avons pas besoin de cavaliers caracolants, mais de piétaille impavide sous la mitraille. Et vous n'êtes même pas élu local ! Vous seriez pratiquement le seul à n'avoir pas fait vos classes comme compagnon du RPF. N'oubliez pas que l'infanterie est la reine des batailles et que la discipline fait la force des armées. »
    Provins, 24 novembre 1958.
    Le Général a dit : « Je ne permets à personne, même à ceux qui m'ont suivi fidèlement, de se servir de mon nom, fût-ce sous la forme d'un adjectif. »
    Pour le premier tour, j'ai donc écarté toute affiche, tout prospectus qui aurait mis de Gaulle en avant. J'ai jeté dans un puits le matériel que l'UNR m'avait adressé et qui — imprimé, pensais-je, avant que l'interdit n'ait été prononcé — ne parlait que de lui. J'ai arboré des slogans qui ignorent avec soin le

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