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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Le Général doit renoncer à son utopie unanimiste. Bien sûr, il est le Président de tous les Français, mais grâce à une majorité et malgré une minorité. »
    Cette idée a toujours été celle de Pompidou. Mais elle était à l'opposé de celle du Général, qui se voyait en arbitre souverain, détaché des partis, « surplombant », selon un de ses mots favoris, la droite comme la gauche ; bref, expression de l'unité nationale retrouvée grâce à lui. La déception du référendum et la divine surprise des élections ont donné raison à Pompidou et tort à de Gaulle. Celui-ci, qui avait failli se retirer après le référendum, a été tout heureux de constater qu'il s'était trompé et de pouvoir continuer son œuvre.

    19 novembre. La presse — qui, dans son ensemble, pour une fois, avait fait, à cor et à cri, la même analyse que le Général en confidence — annonçait, depuis le référendum, que ces élections allaient marquer la chute du gaullisme. Aujourd'hui, lendemain du premier tour, elle ne cache pas sa stupéfaction. Jacques Fauvet, dans Le Monde, résume ainsi la situation : « Les pronostiqueurs se trompent souvent, mais, cette fois, l'erreur dépasse l'entendement. » Étonnement douloureux pour les uns, inespéré pour le Général.
    Quelques commentateurs commencent à se demander s'il n'y a pas dans cette Constitution une logique interne qui entraîne l'identité entre la majorité présidentielle et la majorité législative.Les électeurs ressentent d'instinct que le Président ne peut pas présider, s'il ne dispose pas d'une majorité pour le soutenir.

    « Alors, vous aidez ceux qui sont en difficulté ! »
    Au Conseil qui suit le premier tour, le 21 novembre, Couve décrit les réactions de l'étranger aux élections : « Il y avait, tant au Bénélux qu'en Italie, une forte connivence avec l'opposition. On espérait que le régime allait prendre fin. Le résultat a beaucoup surpris. Les Allemands, au contraire, ont affiché aussitôt une grande satisfaction ; ils craignaient pour la continuité du régime.
    GdG (irrité). — Les élections ne devraient rien avoir à faire avec la continuité du régime.
    Couve. — Oui, mais notre opposition ne le voyait pas ainsi, et elle avait réussi à intoxiquer nos partenaires européens. »

    À la suite du Conseil, nous nous interrogeons sur ce que de Gaulle a voulu dire. Si les élections n'ont rien à voir avec la continuité du régime, pourquoi s'engage-t-il à fond ? Et s'il les perdait, que lui resterait-il à faire, puisqu'il a annoncé qu'il partirait ? Qui doute que le régime s'effondrerait aussitôt ?
    Le Général dit un mot à chacun des ministres candidats, alors qu'il se contente de serrer en silence la main de ceux qui ne le sont pas, les « techniciens » comme Malraux, Couve, Joxe, Messmer, Pompidou lui-même. Joxe, avec son sourire rusé, me souffle à l'oreille : « Nous qui ne nous présentons pas, nous avons l'air d'être des planqués, à côté de combattants qui reviennent du front et qui viennent passer leur perm' parmi nous. »
    Là aussi, quel changement ! Jusqu'à présent, les ministres « techniciens » avaient tendance à se considérer comme d'une espèce supérieure, puisqu'ils devaient leur nomination à une source pure, de Gaulle ; tandis que les députés la devaient à une source impure, l'élection. Depuis la crise du mois dernier, c'est l'inverse 2 .
    Quand il arrive à ma hauteur, le Général me fait son compliment : «Alors, à Provins, ça s'est bien passé, c'est déjà fini.» Encore vibrant de la campagne, je lui réponds naïvement, sur un ton que je crois modeste: « Oh, mon général, je n'ai aucun mérite ! Je vous dois au moins la moitié de mes voix. » Il me toise en silence. Son regard sévère signifie évidemment : « La moitié ? Vous voulez dire la totalité ? » Je me suis senti nigaud.
    Avec l'expérience et les recoupements qu'elle autorise, je dois bien reconnaître qu'il avait raison. Dans un vote sur une question simple, comme l'étaient ces élections couplées avec le référendum sur l'élection populaire du Président, peut-être qu'au maximum une voix sur dix m'était personnelle. Cette campagne ne s'était nullement faite sur les qualités et les défauts d'un député de terrain, mais, essentiellement, sur la question de confiance posée au peuple. Les électeurs avaient simplement confirmé leur vote et donné au Général les moyens de gouverner.

    Le Général

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