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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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    Grandval a trouvé la solution, inattendue chez un gaulliste de gauche : « Mais il vous reste toujours l'article 16 ! »
    Le Général le dévisage sévèrement. Va-t-il lancer une réplique fulgurante ? Il se contente de répondre, avec une douceur résignée : « L'article 16, il n'est fait que pour une grande urgence nationale, la menace étrangère ou la subversion. Aujourd'hui, il n'y a rien de tel. Les Français retournent simplement à leur vachardise habituelle. C'est tout.» Il s'arrête un moment, hoche la tête et ajoute : « L'article 16, ça suppose aussi que l'immense majorité des Français soient derrière le Président contre l'adversaire qu'il faut réduire. Avec 80 ou 90% des Français derrière soi, on peut prendre l'article 16 ; pas avec 62 % des votants et 47 % des inscrits. Croyez-moi, c'est foutu ! »
    Roger Frey proteste avec force : « Mais, mon général, je suis sûr du contraire ! Avec le scrutin majoritaire, il suffit qu'un sur deux de ceux qui ont voté oui vote gaulliste; et les gaullistes, compte tenu de la dispersion des autres, auront la majorité absolue. Le "cartel des non" va éclater, puisque leurs disparités électorales vont apparaître. Les communistes, les socialistes, les modérés, les partisans de l'OAS ne pourront pas se retrouver sur le même candidat ; pour le nôtre, ce sera un jeu d'enfant de dénoncer leurs contradictions! Nous sommes donc assurés d'avoir une chambre gaulliste! »
    Le Général secoue la tête : « Je ne vois pas comment. » Et, en se retirant : « Enfin, croyez-le jusqu'à ce dimanche, ça ne peut pas vous faire de mal ! »
    Après son départ, nous restons entre nous à bavarder sur ce thème. Roger Frey est le seul à oser affirmer sa certitude. Pompidou, à qui nous allons résumer cet aparté, fait une moue évasive, sans trop savoir que penser ; à moins qu'il ne garde ses pensées pour lui.
    Devant vingt-cinq ministres qui risquent de parler à la sortie du Conseil, le Général a pris un ton rassurant : il faut qu'on sache qu'il envisage les prochaines élections avec confiance. Pour quatre d'entre eux, gaullistes d'obédience, il tient des propos si noirs qu'ils ressemblent à une provocation. À quelques minutes d'intervalle, ce changement de style est surprenant. A moins que cette apparente cyclothymie corresponde seulement à des niveaux différents de communication...
    Comme dit Pompidou, le Général est spécial.
    1 Les Soviétiques, après avoir installé des fusées à Cuba, ont accepté de les retirer, devant la fermeté des États-Unis, auxquels de Gaulle a, le premier, apporté son soutien. On a pu se croire, pendant quelques jours, au bord de la troisième guerre mondiale.

Chapitre 29
    « C'EST COMME À LA CHASSE, JE NE DIS RIEN »
    Au Conseil suivant, le 7 novembre 1962, le Général a repris toute sa combativité. Ceux qui s'étaient mis en travers de sa route, depuis le Conseil d'État jusqu'au Sénat en passant par les partis, sont foudroyés l'un après l'autre. Le Conseil constitutionnel n'est pas épargné, malgré la grande estime que le Général porte à son président, Léon Noël : « Je ne vois pas quels auraient été sa figure et son avenir s'il avait voulu s'opposer à la volonté nationale. Cette sottise n'a pas été commise. On aurait fait ce qu'il aurait fallu pour en tirer les conséquences. »
    (À la sortie, Burin des Roziers se demande, devant Pompidou et moi, ce qu'il a voulu dire. Me revient une réplique du Général, où il m'avait affirmé que, le Président de la République nommant le Premier ministre ou le président du Conseil constitutionnel, cela signifie aussi qu'il peut les révoquer et les remplacer par qui il veut, quand il veut. Je suggère cette explication : « Il y aurait eu deux moyens d'agir. Soit, supprimer le Conseil constitutionnel par référendum. Soit, changer du moins son président par décret.» Pompidou, approuvé par Burin, refuse de me suivre : « Absurde ! Même le second moyen serait inopportun. Le premier serait démesuré. » Certes. Mais à quoi a pensé le Général ?)
    C'est surtout le Sénat qui se trouve dans la ligne de mire : « Une deuxième chambre politique ne s'explique pas. Il faut une deuxième chambre économique et sociale. Il faudra aller dans ce sens. »

    Ainsi, de Gaulle annonce en plein Conseil ce qu'il m'a dit trois mois plus tôt (et qui est d'ailleurs inscrit en toutes lettres dans le discours de Bayeux 1 . Il est bien décidé à

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