C'était De Gaulle - Tome I
a repris son contrôle de soi beaucoup plus vite que moi : « Alors, cette semaine, vous aidez ceux qui sont en difficulté ! »
Là encore, comme il a changé depuis 1958 ! Le voilà redevenu le chef de guerre qui envoie ses lieutenants tailler en pièces l'adversaire.
« Le peuple a pris dans ses profondeurs une nouvelle direction »
Après le second tour, au Conseil du 28 novembre 1962, le Général ne cache pas sa satisfaction 3 . Il a eu chaud. Nous aussi. Nous avons l'impression d'être le conducteur qui a fait un tête à queue sur une route verglacée et constate en se tâtant qu'il est indemne. Seul Roger Frey avait prévu que l'accident tournerait bien.
« Le référendum et les élections, déclare le Général, ont constitué ensemble une opération heureuse. Le peuple a pris dans ses profondeurs une nouvelle direction. Cela apparaît d'une manière plus éclatante dans les élections législatives que dans le référendum. Le pays adopte les idées nouvelles et un comportement nouveau dans sa vie politique et ses institutions. Il tient à la continuité et à la cohérence des desseins. Les Français souhaitent voir poursuivre ce qui a été entrepris. Ils veulent que ce qu'on décide d'essentiel en leur nom corresponde à leur volonté profonde.
« Il n'y a pas d'accouchement sans douleurs, ou alors on risquede voir naître des enfants qui n'ont pas de bras. L'opération est réalisée. La France a confirmé ce qu'elle a choisi en 1958. Pour le Président et pour le gouvernement, maintenant que nous avons refermé la boîte à chagrins, il n'y a qu'à poursuivre et amplifier l'œuvre entreprise depuis 1958. Cela s'applique au rôle joué par le chef de l'Etat, au comportement du gouvernement, à sa stabilité, à sa cohésion, à ses rapports avec le pouvoir législatif.
« Le Parlement et le gouvernement dialoguent. Ils se répondent. Ce qui n'exclut pas qu'ils coopèrent — du moins pour l'Assemblée nationale, qui est l'essentiel du Parlement, et qui en est même le tout. (Pan sur le Sénat.)
« Tracer une nouvelle route par un mouvement incessant »
« Depuis quatre ans, beaucoup de problèmes ont été réglés, d'autres sont apparus. Il faut repartir sur de nouvelles bases, tracer une nouvelle route en un mouvement incessant.
« Le statut du gouvernement s'est précisé : en application de la Constitution, le Premier ministre devait donner sa démission après le vote de la motion de censure. Je ne l'ai pas acceptée sur-le-champ. Il fallait laisser la question en suspens. Le référendum et les élections ont donné raison au Président et au gouvernement. Le gouvernement vient, tel qu'il est, d'être approuvé par le pays. Je le reconduis donc. (Soulagement visible autour de la table.)
« Mais il y a quelques formalités à accomplir. Nous allons, comme toujours, respecter la Constitution dans sa lettre et dans son esprit. Le gouvernement doit démissionner effectivement, puisque nous sommes au début d'une législature nouvelle. Le Premier ministre est venu me présenter à nouveau sa démission, d'accord avec moi. Cette fois, je l'accepte. Un décret paraîtra demain au Journal Officiel. Les ministres expédieront les affaires courantes tant qu'ils n'auront pas été remplacés.
« Le Premier ministre, sans attendre, sera nommé aujourd'hui même ; et sa nomination sera publiée demain en même temps que sa démission. Il faut, quoi qu'il arrive, que le Premier ministre soit là, en fonctions, prêt à agir.
« Je propose que le prochain gouvernement ne soit mis en place qu'après l'installation de la nouvelle Assemblée. Le Premier ministre me fera des propositions pour que je nomme un nouveau gouvernement quand la législature sera ouverte. Quatorze ministres ont été élus : il serait inconvenant que pas une seconde ils n'aient siégé au Parlement. Ils siégeront donc comme députés, puisque leurs fonctions gouvernementales auront pris fin. Vous restez dans vos ministères jusqu'à nouvel ordre. Mais vous ne prenez pas d'initiatives au-delà du train-train quotidien. Jusqu'aujourd'hui, vous étiez le gouvernement de la France,puisque je n'avais pas accepté votre démission. À partir de maintenant, vous n'êtes plus qu'expéditeurs d'affaires courantes. (Toujours, son souci de marquer des précédents profondément différents de ceux de la III e et de la IV e , où, dès qu'un gouvernement était renversé, commençait, jusqu'à la mise en place de son successeur, une
Weitere Kostenlose Bücher