Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
à nous agresser ? »
    Le Général répète tranquillement :
    « La force de dissuasion n'est pas faite seulement pour dissuader un agresseur. Elle est faite aussi bien pour dissuader un protecteur abusif. C'est pour ça qu'elle doit être tous azimuts 2 .
    « D'ailleurs, on ne sait jamais d'où peut venir la menace, ni d'où peut venir la pression ou le chantage. Il ne faut pas que les esprits chavirent. Un jour ou l'autre, il peut se produire des événements fabuleux, des retournements incroyables. Il s'en est produit tellement dans l'Histoire ! L'Amérique peut exploser du fait du terrorisme, ou du racisme, que sais-je, et devenir une menace pour la paix. L'Union soviétique peut exploser, parce que le communisme s'effondrera, que ses peuples se chamailleront. Elle peut redevenir menaçante. Personne ne peut dire d'avance où se situera le danger. Et comme il faut vingt ans pour se mettre en mesure d'y parer, alors nous prenons tout de suite nos dispositions.
    AP. — Le plus probable, quand même, c'est l'affrontement des deux super-puissances ! Et dans ce cas-là, nous serions bien du côté des Américains ?
    GdG. — Tant que nous restons dans le système des blocs, de deux choses l'une. Ou bien les États-Unis et la Russie se battent, et nous sommes condamnés à mort; ou ils s'entendent, et nous sommes condamnés à l'effacement. Supposons qu'ils tombent d'accord pour neutraliser l'Allemagne : nous sommes incapables de résister aux Russes, nous devenons leur jouet. Tant que les Russes et les Américains restent en tête à tête, il n'y a pas d'autre issue que leur conflit, ou leur condominium.
    « Voilà pourquoi, tout en demeurant les alliés des Américains, nous voulons cesser de nous en remettre à eux. »

    « Lemnitzer est un brave homme ; tout va être mis en mineur »
    Au Conseil des ministres du 25 juillet 1962, Messmer annonce un changement de commandement à la tête de l'OTAN. «Le général Norstad s'en va à la demande de Kennedy. Le général Lemnitzer doit le remplacer.
    GdG. — J'ai demandé à voir Lemnitzer et à en parler ici, en Conseil des ministres. Il y a une question de forme et une question de fond.
    « Il n'est pas admissible que les Américains disent : "Ce sera Untel." Nous, Français, avons dit : "Nous ne le nommerons pas tant que nous ne l'aurons pas vu et que notre gouvernement n'en aura pas délibéré."
    « Je l'ai donc vu. C'est un brave homme. Il ne fera pas d'histoires, ni à son gouvernement, ni à aucun autre. Tout va être mis en mineur de son fait. C'est pour ça qu'on le met là. Ça signifie que la défense de l'Europe ne les intéresse plus autant. Eisenhower, Ridgway, Norstad étaient des cracks. Ce n'est plus le cas.
    « C'est une façon, à leurs yeux, d'enterrer la question. Ce n'est pas sans importance.
    « Je lui ai dit : "Nous comprenons très bien vos incertitudes sur l'emploi de la bombe si l'Europe était attaquée." Il n'en a pas disconvenu. Il a abondé dans mon sens. C'est important à savoir, alors que tous les Américains nous disent : "Pas du tout ! Aucun doute ! La bombe américaine serait employée aussitôt ! C'est insultant d'imaginer le contraire !"
    « J'ai enchaîné : "Compte tenu de cette incertitude, pour qu'il ne soit pas dit que la France soit prise sans s'être défendue, elle est en train de se doter de son propre armement nucléaire." Lemnitzer m'a répondu : "Vous avez parfaitement raison. À votre place, j'en ferais autant."
    « Dans ces conditions, je ne vois pas d'obstacle à sa nomination. Ce Lemnitzer, ce n'est pas un saut dans l'inconnu. C'est un homme de bon sens.
    Frey. — Quelles étaient au juste les divergences entre Norstad et le gouvernement américain ? »
    Le Général fait signe à Messmer : « Monsieur le ministre des Armées, voulez-vous éclairer M. le ministre de l'Intérieur ?
    Messmer. — Norstad, par mimétisme, était devenu aussi européen que Spaak ou Luns 3 . Il avait la prétention de défendre l'Europe par les moyens nucléaires mis à sa disposition. Les États-Unis auraient livré les engins et il s'en serait servi à sa guise. C'est un projet qu'il avait présenté il y a deux ans. Il y était fortement attaché. Il l'avait beaucoup défendu auprès de son administration et en Europe. Il est rapidement devenu évident que la nouvelle administration américaine n'avait aucune envie de donner suite à ce projet. Norstad était donc dans une position intenable.
    GdG à Frey (sur un ton doucement

Weitere Kostenlose Bücher