C'était De Gaulle - Tome I
personnalité propre, tout en respectant celle des autres. C'est notre vocation. C'est notre devoir. »
1 Barrès précisait même, dans ses Cahiers de l'année 1920 (p. 881) : « Donner de la France une certaine idée, c'est nous permettre de jouer un certain rôle. » Et il ajoutait aussitôt ceci, qui ressemble à un portrait prémonitoire de De Gaulle : « Certains hommes sont un accident heureux pour leur pays. Ils sont l'inattendu intervenant au milieu de toutes les nécessités sociologiques ; ils agissent ; leur état de conscience individuel balance, retarde, précipite, modifie un ensemble de faits sociaux. » De Gaulle, lecteur attentif de Barrès, avait pu méditer sur ces formules.
2 On peut le consulter aujourd'hui aux Archives du Quai d'Orsay.
3 Fiente d'oiseaux desséchée.
4 C'est-à-dire les États-Unis.
5 Cet entretien, dont je montrai peu après le compte rendu à Jean-Raymond Tournoux et à Jean Mauriac, a été partiellement reproduit par le premier ( La Tragédie du Général, Paris, Plon, 1967, p. 494) et commenté par le père du second (on en voit un reflet dans plusieurs passages du Bloc Notes de février et de mars 1963), ainsi que par Edmond Pognon ( De Gaulle et l'Histoire de France, p. 153, Paris, Albin Michel, 1970).
6 Alors ambassadeur à Vienne.
7 L'Espagnol Bahamontes avait gagné le Tour en 1959 et l'Italien Nencini en 1960. Les victoires d'Anquetil en 1961 et 1962 n'avaient pas effacé ces deux vainqueurs dans le souvenir du Général.
Chapitre 2
« LE MONDE A COMPLÈTEMENT CHANGÉ »
Conseil des ministres, 9 mai 1962.
Couve et Messmer rendent compte du Conseil de l'OTAN auquel ils ont assisté à Athènes. Malgré le communiqué anodin, un problème de fond demeure. Les conversations en cours entre Américains et Russes esquissent une dénucléarisation de l'Allemagne. Les Allemands voient un grave danger dans la poursuite de ces entretiens. « Pourtant, observe le Général, comme ils ne veulent pas s'opposer aux Américains, ils sont très malheureux.
Couve. — Les Américains sont en train de changer de stratégie. Ils hésitent de plus en plus devant les perspectives d'une guerre nucléaire. Ils mettent de plus en plus l'accent sur la nécessité d'un développement des armes conventionnelles, les États-Unis et l'Union soviétique se neutralisant par leur équilibre atomique. »
Messmer retient aussi de ses conversations avec McNamara que « les États-Unis considèrent comme très dangereux tout armement nucléaire dont ils n'ont pas la maîtrise. Ils ne veulent pas se laisser entraîner dans une guerre nucléaire générale en partant d'une explication nucléaire tactique. (Explication : admirable litote ! C'est bien un mot de militaire.) Ils sont donc tentés par l'idée de retirer leur armement nucléaire d'Europe et de dénucléariser l'Europe centrale. D'ici là, aucune arme nucléaire ne sera utilisée. Donc, que l'armement soit américain ou atlantique, c'est pareil.
« Les sous-marins équipés de fusées Polaris, que les Américains entendent mettre à la disposition de l'OTAN, n'apportent rien de nouveau. Ils ne sont en aucune façon une arme atomique propre à l'OTAN. Ce sont des sous-marins américains, commandés par des Américains, et qui ne peuvent envoyer leurs armes que sur ordre du Président des États-Unis. »
« Il est normal que nous reprenions nos billes »
GdG : « Si le monde libre est attaqué, tous les États du monde libre devront combattre. C'est une réalité indiscutable.
« Depuis treize ans que le traité de l'Atlantique Nord a été signé, le monde a complètement changé. Les Américains étaient seuls dans le monde à avoir la bombe atomique. Si l'Europe étaitattaquée par l'URSS, les Américains jetaient leurs bombes et c'était fini. L'Europe, qui n'avait pas beaucoup de consistance, donnait en contrepartie ses moyens conventionnels à l'Amérique. C'est ce qu'on appelait "l'intégration". Ça correspondait alors à la nature des choses.
« Aujourd'hui, la Russie a un armement atomique qui peut anéantir l'Amérique, comme l'Amérique peut anéantir la Russie. Du coup, elles n'ont aucune envie de s'anéantir l'une l'autre. Par suite, la question de la protection de l'Europe par les bombes atomiques américaines est posée. Il n'est plus du tout sûr que les États-Unis emploieraient leurs bombes. Les États-Unis eux-mêmes n'en savent rien. Aux yeux de la France, la solidité de l'OTAN est ébranlée depuis
Weitere Kostenlose Bücher