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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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s'emportait, s'emportait.Il a insulté l'Amérique en disant qu'elle était aussi hypocrite qu'une fille vertueuse qui s'est déjà fait coller une douzaine de bâtards. Vous avez été (dit-il en se tournant vers de Gaulle) d'un flegme admirable. Khrouchtchev exigeait que je lui fasse des excuses. Vous avez coupé court en lui versant une douche froide. Vous lui avez dit calmement que, dans ces conditions, vous ne pouviez, à votre grand regret, que constater l'échec de la conférence et lever la séance. J'étais prêt à m'excuser, mais je crois que vous avez eu raison de m'en empêcher, il valait mieux éviter ça.
    GdG. — Vos excuses n'auraient servi à rien. Il était décidé à tout casser. Il ne faut jamais se prosterner. »
    Ne jamais se prosterner. Se souvient-il — féru qu'il est d'histoire — des envoyés grecs auprès d'Artaxerxès, que la garde perse voulait obliger à mordre la poussière devant le Grand Roi, selon la coutume, et qui s'y refusèrent obstinément, au prétexte qu'ils ne se prosternaient que devant leurs dieux ? Pourquoi Montesquieu dit-il que les hommes libres sont fiers ? En tout cas, je suis sûr que pour de Gaulle, il y a partie liée entre liberté et dignité.

    « Khrouchtchev, au moins, il est drôle »
    Ike ne relève pas et reprend : « Et pourtant, Khrouchtchev, c'est sans doute le moins mauvais, parmi ceux qu'on peut voir du camp d'en face.
    GdG. — C'est vrai, lui au moins, il est drôle — du moins quand il ne perd pas son contrôle. C'est appréciable. Ceux qui l'entourent sont ennuyeux. Ils ont tous une histoire à vous raconter, mais c'est toujours la même. Une ritournelle, qui recommence à l'identique quand on les revoit. Tandis que Khrouchtchev est inattendu. »
    Comme s'il était gêné du rappel — flatteur pour lui mais humiliant pour son invité — de la scène de la conférence de 1960, de Gaulle change de sujet : « Est-ce qu'on vous a reconnu dans les rues de Paris ?
    Ike. — On m'a reconnu au Louvre. Du coup, on m'a ouvert, alors que c'était fermé. »
    Pas la moindre trace d'humour dans la voix ou dans les yeux. La visite était évidemment organisée, hier mardi, jour de fermeture, de manière que le couple célèbre ne soit pas importuné ; on le guettait derrière la porte. Le Général sourit, mais se garde de détromper Eisenhower. Se demande-t-il comment ce brave homme a pu commander avec un pareil succès la plus grande armada de tous les temps ?
    GdG : « Vous, on vous reconnaît. Churchill pouvait passer inaperçu : tous les bébés joufflus se ressemblent. »
    Ike et le Général échangent un moment des anecdotes surChurchill. Le Général conclut sur ce sujet : « On ne peut pas parler de Churchill sans penser à son cigare. Mais ses cigares, il ne les fumait pas. Il en avait toujours un dans sa bouche, pour se donner une contenance, celle d'un homme qui affiche la sérénité. En réalité, il n'aspirait pas, il soufflait.»

    « Vous m'enlevez mes illusions »
    Ike, à propos de son successeur Kennedy : « C'est la première fois que le Président se trompe 1 . Jusque-là, il était toujours brillant, toujours en forme. Après cinquante ans, on n'est plus en forme. On est toujours fatigué. Il faut toujours se surveiller, on a toujours des ennuis.
    GdG. — Vous m'enlevez mes illusions. J'espérais qu'après cinquante ans, on commençait enfin à aller bien. »
    Ils se racontent des histoires de lettres de fous.
    Ike : «Pendant la guerre, j'avais reçu une lettre de fou. Il préconisait de creuser un tunnel sous le Rhin. Il m'avait envoyé un dossier avec des plans.
    GdG. — Depuis vingt ans, il y a un type qui m'écrit pour me demander de le faire nommer iman d'une mosquée en Algérie.
    « Une bonne femme fait chaque année à pied le trajet de Lourdes à Colombey. La Sainte Vierge lui a dit : "Il faut que tu aies un enfant de De Gaulle." Tous les étés, depuis sept ans, elle recommence son pèlerinage. »
    Mme de Gaulle, l'air de ne pas y toucher : « Je ne suis pas inquiète. Il faut la voir ! Elle n'est pas tentante.»

    Le Général pense vraiment à tout. Au milieu de la table, il y a deux candélabres hideux, en rococo surchargé — mais peut-être, il est vrai, en or massif. « Vous voyez, nous dit-il, c'est le cadeau que le Président et Mme Eisenhower nous ont fait quand nous sommes arrivés en visite à Washington il y a deux ans. »
    Il ne le dit pas à Eisenhower, mais à ses autres invités. Veut-il que nous

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