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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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la collectivisation totale des terres, de l'organisation des communes populaires et de la culture du riz en Guinée. La greffe n'avait pas pris.

Chapitre 7
    « LA COLONNE VERTÉBRALE DE LA NATION, C'EST L'ARMÉE »

    La « connerie » du maréchal Juin
    Le Conseil du 13 juin 1962 s'occupe de l'affaire Juin. Le maréchal avait écrit à Salan une lettre où il ne cachait pas sa sympathie pour le chef de l'OAS. Il terminait : « Que Dieu vous garde ! » Les avocats de Salan l'avaient lue à son procès. De Gaulle avait aussitôt réuni Debré, encore Premier ministre, Messmer et le général Puget, chef d'état-major général de la Défense nationale. Il avait été décidé que des sanctions seraient prises. On verrait lesquelles. Il apparaît aujourd'hui que la seule possible contre Juin est sa « mise à la retraite d'office » en tant que général.

    À l'issue du Conseil, le Général me dit, comme à regret : « Ce n'est pas une sanction suffisante. Mais il n'y a pas de statut des maréchaux de France. Le maréchalat est une dignité, non un grade. Il ne restait donc qu'à le mettre à la retraite comme général. Il est d'ailleurs venu à résipiscence. Il m'a prévenu (nous sommes camarades de promotion) : " J'ai fait une connerie, tu dois me punir, mais n'y va pas trop fort, parce que l'armée se sentirait atteinte dans son honneur." (Il rit.)
    AP. — Qu'est-ce qui compte le plus ? L'honneur de l'armée, ou son obéissance ? En 40, vous avez choisi l'honneur contre l'obéissance.
    GdG. — En 40, l'honneur, c'était la désobéissance. L'État s'était déshonoré. Il s'était effondré. Aujourd'hui, qui peut en douter, il y a un État ! L'armée a donc dû obéir. Juin lui-même le reconnaît. Le pouvoir civil commande au pouvoir militaire, sinon c'est la dictature.
    AP. — Mais en 40, vous avez parlé aux Français en tant que militaire : "Moi, général de Gaulle..."
    GdG. — Il n'y avait plus d'armée. Il n'y avait plus d'État. Il n'y avait plus de volonté. Il s'est trouvé que la mienne a pu en rassembler quelques autres, de plus en plus nombreuses. Dès lors, je n'étais plus un militaire, j'étais devenu un symbole, qui me dépassait. Catroux s'est incliné devant mes deux étoiles, lui qui en avait cinq. Et Giraud n'a pas pesé lourd, bien qu'il ait voulu être " commandant en chef civil et militaire". (Rire.)
    « Une nation ne tient debout que si elle a un cerveau, une ossature et une colonne vertébrale. Le cerveau, c'est le chef de l'Étatet son gouvernement. L'ossature, c'est l'État. La colonne vertébrale, c'est l'armée. Dans les crises graves, à l'extérieur ou à l'intérieur, l'armée joue un rôle capital, pour peu qu'elle soit commandée. Sinon, elle vit pour elle-même, elle se sépare du corps de la nation, elle fait passer ses intérêts catégoriels avant ceux du pays. »
    Un silence, puis il passe de l'image anatomique à l'image portuaire :
    « Napoléon disait que les Français, c'est un clapotis de vagues. Si on veut empêcher que les vagues se transforment en tempête, il faut des môles. L'armée, c'est le môle principal. S'il cède, les môles secondaires céderont aussi : la justice, la police, l'administration. De proche en proche, tout ce qui doit tenir bon s'effondrera et la tempête emportera tout. »
    Je suis loin de me douter qu'en 1968, il aura l'occasion d'éprouver, à Baden-Baden, la solidité de cette « colonne vertébrale » et d'y trouver le ressort d'un foudroyant retour.

    « L'affaire est close »
    Au Conseil des ministres du 11 juillet 1962, l'affaire Juin revient.
    Messmer : « Le maréchal continuait d'avoir trois bureaux aux Invalides, des voitures, des chauffeurs, des huissiers. Je l'ai avisé qu'on lui supprimait la plupart de ces avantages ; qu'il n'avait plus d'activité officielle ; qu'il ne recevrait plus les télégrammes. » (Il avait accès aux principaux télégrammes « Secret Défense » adressés aux cinq chefs d'état-major 1 et au secrétaire général de la Défense nationale.)
    Le Général précise devant le Conseil : « Il a accepté d'avance ces sanctions par une lettre où il m'avait dit : "J'ai fait une sottise, il est normal que je sois sanctionné." »

    À l'issue du Conseil, je dis au Général : « Des journaux reprochent à Messmer de n'avoir pas publié les décisions sur Juin au Journal officiel. »
    Il me répond :
    « Un décret de mise à la retraite n'est jamais publié au Journal officiel. Pourquoi publier

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