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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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suscitent dans la presse divers ballons d'essai, pour mesurer au plus juste la formulation adéquate. Se hisser à un niveau d'analyse auquel personne sans doute, dans le temps présent, n'accède. Parvenir ainsi à une claire-voyance. Fixer pour lontemps, par la puissance de sa réflexion, une doctrine qui va être celle de la France. Tel est son jeu, forme nouvelle de ce qu'il appelait jadis, dans Le Fil de l'épée, « le jeu divin du héros ».
    En termes arrondis et inentamables comme des galets, il a donc barré aux Anglais l'entrée dans le Marché commun et repoussé l'offre, que Kennedy nous presse d'accepter, d'une « force multilatérale ». L'annonce que j'avais faite de ce double refus (et qui avait été démentie par le Quai d'Orsay) n'en a nullement atténué l'effet, contrairement à ce que j'espérais : le scandale est énorme.

    Au Conseil du 16 janvier 1963, on aurait dit que cette conférence fracassante n'avait pas eu lieu, si le Général ne nous en avait touché, en levant la séance, un petit mot :
    GdG : « Il y a eu quelques remous depuis avant-hier. Tout se passe dans une convention mensongère. Quand on dit ce qui est, on fait scandale. Si on dit que l'Angleterre est une île, personne n'en revient. Si on dit que l'OTAN a un commandant américain, tout le monde est choqué. C'est pourtant la vérité. Et c'est toute la philosophie de cette affaire. Nous verrons la suite. »

    « J'ai demandé la lune »
    Après le Conseil, je l'interroge : « Qu'avez-vous voulu dire, dans votre conférence de presse, en parlant d'une "coopération stratégique" dans le cadre atlantique ?
    GdG. — J'ai fait une ouverture, pour leur montrer que je ne claquais pas la porte au nez des Américains et des Anglais. Mais ne nous y trompons pas. Je ne veux pas entendre parler de coopération, tant que je n'aurai pas ma force atomique. Quand je l'aurai, cette force, eh bien, nous combinerons nos stratégies. À condition que les Américains nous donnent autant de droits de regard sur leur stratégie, que nous leur en donnerons sur la nôtre. Nous serons d'égal à égal. Et s'ils ne veulent pas nous permettre de contrôler leur stratégie, ce qui est probable, eh bien, nous ne leur permettrons pas de contrôler la nôtre. C'est bien ce qu'ils savent et c'est ce qui les ennuie. Ce qu'ils reprochent à notre force atomique, c'est de les obliger à admettre une brèche dans leur monopole. Nous les débusquons de leur volonté d'hégémonie, hypocritement camouflée en "intégration ".
    AP. — Mais ne revenez-vous pas tout simplement à la position de votre mémorandum de septembre 1958 ?
    GdG. — Non. Ce mémorandum n'était qu'un procédé de pression diplomatique. Je cherchais alors à trouver un moyen de sortir de l'OTAN et de reprendre ma liberté, que la IV e République avait aliénée. Alors, j'ai demandé la lune. J'étais sûr qu'on ne me l'accorderait pas. Les Anglo-Américains voudraient pouvoir employer leur force à leur guise, et ils ne veulent pas de nous pour ça. Ce qu'ils veulent, c'est nous dominer.
    « Mais en ne répondant pas à mon mémorandum, ils m'ont permis de prendre des dispositions qui m'amenaient à sortir peu à peu de l'OTAN 2 , ce que je n'aurais pas pu faire si je n'avais pas d'abord essuyé ce refus. En fait, c'est ce que nous avons fait pas à pas depuis 1958 : nous n'y sommes plus vraiment, nous y sommes présents sans y être réellement intégrés. C'est comme l'ONU : nous ne la quittons pas, mais nous nous arrangeons pour qu'elle ne nous gêne absolument pas.

    « Notre réplique sera aussi cinglante »
    AP. — Quelles seront les conséquences de votre conférence de presse sur ce que vous avez appelé l'association du Marché commun avec les autres pays, c'est-à-dire les satellites de l'Angleterre, et notamment la Suède ?
    GdG. — Bien sûr, il ne faut pas rompre toute négociation avecles Anglais. Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il faut signer avec les Anglais un traité de commerce, de manière à préserver les échanges. Un arrangement est nécessaire. Les échanges doivent continuer entre le Marché commun et le bloc anglo-saxon. Les intérêts légitimes doivent être préservés, les courants traditionnels respectés.
    « En fait, les Anglais ont tout fait pour torpiller le Marché commun sans y entrer : c'était la tentative mémorable de M. Mandling 3 ( sic; le Général maltraite les noms propres, mais il n'oublie jamais ses vérités premières.)
    « Nous

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