C'était De Gaulle - Tome I
avons rompu les négociations à la fin de 58, quand nous avons vu que nous nous étions assez rapprochés des Allemands pour empêcher les Anglais de mener à bonne fin leur œuvre de destruction.
« Aujourd'hui, ça recommence ! Mais, au lieu de le torpiller de l'extérieur, ils essaient de le torpiller de l'intérieur. Notre réplique sera aussi cinglante qu'elle l'a été il y a quatre ans.
« Ne croyez pas que les associés de l'Angleterre soient attristés de cette rupture. C'est exactement le contraire. Je ne pouvais pas faire de plus grand cadeau de bienvenue au Premier ministre de Suède que de faire cette conférence de presse au moment de son arrivée à Paris 4 . La Suède redoutait que les Anglais se séparent d'elle, par le tarif extérieur commun dont ils devraient s'entourer s'ils entraient dans le Marché commun.
« La Suède a compris qu'on ne nous intimiderait pas »
« En 1958, la Suède nous méprisait et était franchement hostile à notre égard. Elle ne manquait pas une occasion d'être désagréable. Nous étions l'ennemi public numéro 1. Depuis lors, elle s'est beaucoup rapprochée de nous. Elle s'est rendu compte que nous étions un pays solide. Elle a constaté que le régime tenait le coup. Elle a compris qu'on ne nous intimiderait pas. Qu'il ne servirait à rien de vouloir nous faire changer d'avis par des campagnes de presse. Alors, elle s'est demandé pourquoi elle ne commercerait pas avec nous, pourquoi elle n'apprendrait pas notre langue. Cette évolution est significative. Des dizaines de pays en font autant.
« Ils s'aperçoivent que notre développement industriel est remarquable, que la France détient la première place dans le Marché commun à côté de l'Allemagne, alors qu'ils étaient convaincus que l'industrie allemande allait absorber l'industrie française.
« Ils s'aperçoivent aussi que la langue française progresse dans le monde, que le tiers des pays de l'ONU parle le français ; et ils mesurent que ce rôle joué par le français est si important qu'on ne peut pas le supprimer. Jusqu'en 1958, ils considéraient que la langue anglaise avait acquis le monopole. Ils ont maintenant changé d'avis. Les Suédois ont tenu à ce que le communiqué final marque l'importance des questions culturelles et de l'enseignement du français en Suède.
« Ils sont en réalité ravis que nous interdisions aux Anglais d'entrer dans le Marché commun et que nous mettions ainsi les Anglais sur le même plan exactement que les Suédois.
« Et puis, ils sont soucieux qu'on ne leur en veuille pas d'être neutres. Je leur ai affirmé que je ne leur en voulais nullement, d'autant moins qu'il s'agit pour eux d'une neutralité armée.
« Montrez bien à vos journalistes que nous ne sommes pas si isolés que cela. La Suède et les Norvégiens et autres Autrichiens souhaitent secrètement, sans oser évidemment le dire trop fort, que la négociation avec l'Angleterre échoue, de manière que les choses, pour eux, restent en l'état. Ainsi, ils sont à parité avec les Anglais.
« Des traités d'association entre le Marché commun et chacun de ces pays nous permettraient de ne faire aucune discrimination entre eux, malgré leur neutralité ou leur position particulière, et d'adapter le Marché commun à leurs besoins respectifs. Les intégrer au contraire dans le Marché commun n'aurait pas le moindre sens. Ils n'en veulent pas eux-mêmes.
« Ne pas vouloir paraître responsable, c'est fuir ses responsabilités »
AP. — On s'étonne que vous ayez délibérément assumé dans votre conférence de presse la responsabilité d'un refus à l'égard des Américains et à l'égard des Anglais, alors qu'en jouant au plus fin, vous auriez pu vous arranger pour que les Anglais et les Américains apparaissent comme responsables.
GdG. — Ne pas vouloir paraître responsable, c'est fuir ses responsabilités ! Les Américains savaient très bien que j'allais refuser leur proposition des Bahamas ! Mais eux, justement, voulaient jouer au plus fin. Ils refusaient d'admettre qu'ilssavaient que j'allais refuser. En sortant d'ici, Bohlen 5 et Ball 6 ont déclaré à qui voulait les entendre : "Les négociations continuent. Elles seront longues, etc.", comme s'ils ne savaient pas que je leur avais dit non. De même, les Anglais feignent de croire que je n'ai pas vraiment voulu dire que ça suffisait comme ça, et que la négociation peut durer longtemps encore.
« Tout ça, ce sont des
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