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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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S'ils entraient, les Danois, les Norvégiens, les Irlandais, les Islandais y entreraient aussi. Les Anglais exigent aussi que soient embauchés par la Commission seize cents fonctionnaires britanniques ! Vous vous rendez compte ? Faut-il tuer seize cents fonctionnaires dans les effectifs actuels ? Ou l'arrivée de l'Angleterre va-t-elle tellement compliquer le travail qu'il faudra seize cents fonctionnaires de plus ? Ou s'agit-il d'introduire des espions britanniques dans tous les services ? (Rire.)
    « Mais, en même temps, Adenauer trouve des arguments pour faire entrer les Anglais : il voudrait donner un coup de main à Macmillan pour ses élections.
    « Il ne faut quand même pas oublier l'essentiel. L'essentiel, c'est que les Anglais, avec leur cortège de satellites, une fois introduits dans la place, vont vouloir rediscuter les problèmes déjà résolus entre les Six, mais cette fois avec une majorité qui ne voudra plus construire l'Europe dans l'esprit où on a commencé de le faire à Six. Chacun reprendra ses billes. Est-ce cela que nous voulons ? Voulons-nous casser la machine que nous sommes en train de monter, non sans mal ? »

    « L'Europe dite intégrée se dissoudrait comme du sucre dans le café »
    Puis il en vient au fond, avec sans doute un souci d'atténuer par mon intermédiaire l'impression « anti-européenne » qu'il a pu donner :
    « Notre politique, Peyrefitte, je vous demande de bien le faire ressortir : c'est de réaliser l'union de l'Europe. Si j'ai tenu à réconcilier la France et l'Allemagne, c'est pour une raison toute pratique : c'est parce que cette réconciliation est le fondement de toute politique européenne.
    « Mais quelle Europe ? Il faut qu'elle soit véritablement européenne. Si elle n'est pas l'Europe des peuples, si elle est confiée à quelques organismes technocratiques plus ou moins intégrés, elle sera une histoire pour professionnels, limitée et sans avenir. Et ce sont les Américains qui en profiteront pour imposer leur hégémonie. L'Europe doit être in-dé-pen-dante. C'est là ma politique.
    « Cela ne veut pas dire qu'elle ne doit pas avoir d'alliés. Elle doit en avoir, étant donné la menace mondiale que fait peser le communisme. Seulement, elle doit exister par elle-même, pour elle-même.
    «Les Américains ont favorisé l'Europe de Jean Monnet, tant qu'elle était pour eux un moyen de maintenir ou de développer leur hégémonie. Quand ils voient que leur influence risque au contraire de diminuer si l'Europe se constitue en uncorps puissant qui pourrait se passer d'eux, ils sont moins enthousiastes.
    « Il s'agit de faire l'Europe sans rompre avec les Américains, mais in-dé-pen-dam-ment d'eux. »
    Il revient sur ce thème après un silence, comme s'il craignait que je n'aie pas compris : « On ne peut faire l'Europe que s'il existe une ambition européenne, si les Européens veulent exister par eux-mêmes. De même, une nation, pour exister en tant que nation, doit d'abord prendre conscience de ce qui la différencie des autres et doit pouvoir assumer son destin.
    « Le sentiment national s'est toujours affirmé en face d'autres nations : un sentiment national européen ne pourra s'affirmer que face aux Russes et aux Américains. L'idée européenne, depuis la fin de la guerre, a progressé grâce à la menace des Russes. Maintenant que les Russes s'amollissent, et c'est heureux, nous avons l'occasion de nous durcir à l'égard des États-Unis, et c'est notre devoir ; sinon, l'Europe dite intégrée se dissoudrait dans l'ensemble atlantique, c'est-à-dire américain, comme du sucre dans le café !

    « La France est la seule à vouloir une Europe qui en soit une »
    « Ce que veulent les Anglo-Saxons, c'est une Europe sans rivages, une Europe qui n'aurait plus l'ambition d'être elle-même. L'Europe sans frontières. L'Europe à l'anglaise. L'Europe où l'Angleterre n'aurait pas surmonté elle-même ses vieilles habitudes pour devenir vraiment européenne. C'est, en réalité, l'Europe des Américains. L'Europe des multinationales. Une Europe qui, dans son économie, et davantage encore dans sa défense et dans sa politique, serait placée sous une inexorable hégémonie américaine. Une Europe où chaque pays européen, à commencer par le nôtre, perdrait son âme.
    « Cette Europe, pourquoi y adhérerions-nous ?
    « Il se trouve que la France est seule à vouloir une Europe qui en soit une, à pouvoir la vouloir. Nos partenaires européens sont

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