C'était De Gaulle - Tome I
rôle accru ! Ça transformerait les journalistes en arbitres !
« Il n'est arrivé qu'une fois, depuis le nouveau régime, que le gouvernement prenne cette initiative. C'était après mon discours sur l'autodétermination 6 . Il fallait faire fonctionner ce rouage de la Constitution : j'ai le devoir de les faire fonctionner tous. Mais une fois, avec Michel Debré, c'est suffisant. Si on recommence avec Pompidou, le précédent sera créé, ça deviendra une règle et on va retomber dans l'ornière. C'est pourquoi je ne veux pas que Pompidou demande la confiance, encore que, de toute évidence, il soit assuré de l'obtenir aujourd'hui. Il faut faire perdre aux Français leurs vieilles habitudes. »
« Faire fonctionner tous les rouages » : le Général est soucieux, à mesure que l'actualité se déroule, plus encore que de résoudre les problèmes immédiats, de créer pour l'avenir de nouveaux réflexes.
Il a un côté pilote d'essai : cette nouvelle machine, il veut, personnellement, en roder tous les organes, en mettre toutes les ressources à l'épreuve de la réalité.
« L'humeur des dîners en ville »
Le 6 juin 1962, Roger Frey 7 note « l'atonie du parti communiste, incapable de déclencher une vague de revendications ». Le parti traverse une crise grave. Le règlement de l'affaire algérienne lui enlève un argument puissant. A l'élection partielle de Saint-Maur, malgré une campagne acharnée, il a perdu des voix par rapport à 1959. Frey souligne le calme profond du pays : « La province et les milieux populaires ne sont nullement touchés par l'agitation forcenée des dîners en ville.
GdG. — Ce que la V e République apporte de nouveau, c'est qu'elle n'est plus suspendue à l'humeur des dîners en ville. »
Curieusement, cet homme qui tire toute sa force du vote populaire, n'aime pas les élections. À vrai dire, il déteste surtoutl'électoralisme. Il pourchasse toute précaution, dans les mois qui les précèdent, comme signe d'une démagogie « digne de la III e ou de la IV e ».
Il ne veut pas entendre parler de « programme électoral ». Ni à l'occasion des législatives, ni même des présidentielles. « Un programme ? Jamais ! La politique, c'est la réalité ! La réalité, c'est tous les jours qu'elle change ! C'est tous les jours qu'on la découvre ! Il faut avoir des principes et des objectifs, non un programme. »
« Le régime présidentiel, ce serait organiser l'anarchie »
Dans les mois qui ont suivi le référendum sur l'élection du Président, des constitutionnalistes comme Maurice Duverger, puis de nombreux politiques, ont affirmé que la seule voie praticable pour de Gaulle était désormais le régime présidentiel. Je souhaitais depuis longtemps en avoir le cœur net. Il s'y est prêté de bonne grâce après le Conseil du 20 novembre 1963.
AP : « Chalandon, dans le premier bulletin du Comité national pour la préparation de l'élection présidentielle, a lié l'élection présidentielle à l'élection législative. Qu'en pensez-vous ?
GdG. — C'est une absurdité. C'est lui qui l'a écrit. Je ne lui ai jamais rien dit dans ce sens. Je ne sais pas d'où il a pu tirer ça. Je me demande d'ailleurs ce que c'est que ce Comité et de quoi il se mêle.
AP. — Pensez-vous que la Constitution doive être amendée, pour établir un lien entre l'élection présidentielle et l'élection législative ?
GdG. — Non, non et non ! Notre Constitution est très bien comme elle est. Il ne faut rien changer à son esprit ni à l'équilibre institutionnel ! Vouloir faire ce qu'on appelle quelquefois un régime présidentiel à l'américaine, ce serait organiser l'anarchie ! Le Président ne pourrait pas dissoudre le Parlement. Le Parlement ne pourrait pas renverser le gouvernement. Le conflit s'installerait entre eux d'une façon endémique. En Amérique, déjà, ça va couci-couça 8 . En France, ce serait affreux ! On s'enfermerait dans une situation sans issue !
« Dans un pays comme le nôtre, étant donné ce que nous sommes, le seul moyen d'en sortir, ce serait un coup d'Etat. C'est exactement ce qui s'est passé pour la Constitution de 1848, qui établissait un équilibre du même ordre. Ça s'est terminé par un coup d'État. C'est cela que vous voudriez voir revenir ? Ou bienalors, vous voudriez que ce soit le Parlement qui fasse partir le Président par un coup d'État parlementaire, ou par une pression qui lui rendrait la vie impossible ? Ce serait une
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