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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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sculpter la statue de l'État. »

    « Cette déclaration engagera le Président »
    Élysée, 12 décembre 1962.
    Pompidou a été nommé à nouveau Premier ministre et a formé un nouveau ministère.
    Au Conseil de ce jour, le Général, voulant fixer la doctrine, commence par poser un principe qui devra faire jurisprudence : « Il est indispensable, naturellement, que le Premier ministre développe devant le Conseil les grandes lignes, et presque le mot à mot de la déclaration de politique générale qu'il va prononcer devant l'Assemblée nationale. Cette déclaration engagera le gouvernement, et donc le Président, puisque le gouvernement n'existerait pas si le Président ne l'avait pas nommé et maintenu en place. »
    Sept ans plus tard, Pompidou me resservira cet exemple, pour stigmatiser le grand discours-programme de Chaban du 16 septembre 1969 sur la « société bloquée » et la « nouvelle société » : « Chaban n'a pas encore assimilé l'esprit de la V e République. Il lui manque une expérience irremplaçable,celle d'avoir fait ses classes en étant ministre du Général. Il aurait compris qu'il n'était pas possible que le Premier ministre fasse une déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale sans que le Conseil des ministres l'ait entendue au préalable et ait été appelé à en délibérer ; à plus forte raison, sans que le Président en ait été informé. »

    Avant de laisser la parole à Pompidou, et comme pour montrer que celui-ci va obéir aux directives qu'il lui a lui-même données, le Général souligne les questions essentielles auxquelles va devoir s'attaquer le nouveau gouvernement et lui fait ses recommandations :
    « 1. D'abord, les prix : il faut faire attention à l'état d'esprit des salariés, et aux revendications qui ne manqueront pas de se manifester si les prix glissent.
    « 2. L'intégration ouvrière. Il ne doit plus y avoir de question sociale en France. Je ne dis pas qu'il ne doit plus y avoir des questions d'intérêt. Il y en aura toujours. Mais il ne faut plus qu'il y ait de questions de classes sociales.
    « 3. L'Éducation nationale, c'est la grande affaire, tout de suite et pour longtemps. Elle doit d'ailleurs contribuer à effacer peu à peu les classes sociales, à condition que tous les jeunes Français y jouissent de chances égales et que son ouverture aux masses soit compensée par une orientation et une sélection appropriées.
    « 4. Que les leviers de commande soient mieux en main qu'ils ne le sont, c'est affaire d'autorité, de votre autorité, Monsieur le Premier ministre, Messieurs les ministres, plutôt que de réformes de structure.
    « Si vous voulez avoir de l'autorité, il faut que vous ayez du prestige. Vous ne pouvez avoir du prestige si vous êtes mélangés aux autres. Veillez à garder vos distances et à être irréprochables. Qu'on ne puisse même pas vous soupçonner.
    « 5. La solidarité gouvernementale : vous êtes divers, que vous veniez de formations politiques différentes ou que vous ne veniez d'aucune formation ; vous avez des tendances diverses, vous êtes assis sur des administrations diverses. Mais que les diversités ne dégénèrent pas en divergences ; et, à plus forte raison, que vos divergences n'apparaissent pas. Que ce qui se passe au Conseil des ministres ne soit pas connu du dehors. Or, les journalistes se sont toujours arrangés pour savoir ce qui s'y était dit. C'est inadmissible. Que ce qui se passe et se dit au Conseil des ministres ne soit pas perçu à l'extérieur, sinon par le filtrage qu'en fait le ministre de l'Information après en avoir conféré avec moi.
    « Sachez enfin que je désire être informé de ce qui se passe ou se prépare dans vos ministères, directement par vous-même, et sans que vous ayez à vous cacher du Premier ministre. »

    Pompidou : « Il faut être poli avec les Français »
    Pompidou donne de larges extraits de sa déclaration. Le Général les ponctue de remarques. Entre autres :
    « Il ne faut pas confondre les intérêts de la France avec ceux des Français. À plus forte raison, avec ceux des Français d'Algérie.
    Pompidou (vivement). — Mais je ne les confonds pas !
    GdG. — Il arrive souvent que les intérêts des Français, ou ce qu'ils croient être tel, ne coïncident pas avec ceux de la France.
    Pompidou. — Je sais bien, mais il faut être poli avec les Français. »
    Chacun lève la tête pour suivre cette passe d'armes assez vive, bien

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