C'était De Gaulle - Tome I
contentez de constater des insuffisances ? Quelles sanctions nous proposez-vous ? " Nemo auditur turpitudinem suam allegans " 5 .»
Les faiblesses des subordonnés sont la faiblesse du principal responsable, s'il ne les sanctionne pas alors qu'il en a le pouvoir. Quand l'un d'entre nous laisse entendre qu'il n'obtient pas ce qu'il veut de ceux sur lesquels il exerce son autorité, il provoque à coup sûr une réaction vive, en français ou en latin.
J'ai essuyé souvent les mêmes reproches, sur les faiblesses de telle émission de télévision.
Il n'admet pas qu'un ministre plaide l'impuissance sur l'air de : « Ceux qui dépendent de moi ne m'obéissent pas. » Il place par-dessus tout la notion de responsabilité. « Il faut un responsable. On n'a pas le droit de dire, comme sous la IV e : "Moi, je voudrais bien, mais les autres... " »
Sa vision de l'État est rigoureusement hiérarchique, comme celle de l'armée. Les chefs doivent commander, se faire obéir, faire remplacer qui ne leur obéit pas, être remplacés s'ils n'arrivent pas à se faire obéir. Il n'aime pas les responsabilités diffuses. Ni le préfet qui se prend pour l'exécutant du conseil général, plus que pour le représentant du gouvernement dans le département. Ni le recteur qui se croit surtout porte-parole de son université auprès du ministre et « oublie qu'il doit être préfet du gouvernement auprès des universités ». Ni le directeur de la radiotélévision, qui laisse la bride sur le cou à ses journalistes ou à ses réalisateurs.
Il nous reprend quand nous prêtons une volonté, une opinion au « ministère de l'Agriculture », ou « de l'Intérieur », ou « des Armées ». Seul a le droit d'en avoir une le ministre, responsable unique. Il déteste les expressions : « Matignon estime que... », « l'Élysée a dit que... ». « L'Élysée, c'est qui?» m'a-t-il dit, comme j'employais cette expression. On ne doit pas douter que l'Elysée, c'est lui — et si ce n'est pas le Président lui-même, ce n'est rien.
1 Voir plus bas, V e partie.
2 Après la victoire du oui au référendum, mais avant les législatives.
3 Le Conseil constitutionnel avait émis avant le référendum, le 2 octobre 1962, un avis défavorable, à la majorité de ses membres, rejoignant la position du Conseil d'État et du Sénat — où la réélection brillante de Gaston Monnerville, aussitôt après son éclat de Vichy sur la « forfaiture », a revêtu le sens d'une condamnation du référendum par les partis classiques dans leur totalité. La presse, tant à Paris qu'en province, toutes tendances confondues, a, tout comme les plus hautes instances juridiques, condamné l'initiative du Général. L'Assemblée nationale a adopté la même attitude en censurant le gouvernement le 5 octobre. En revanche, le 6 novembre, le Conseil constitutionnel vient, après la victoire du oui, de déclarer irrecevable le recours présenté par Gaston Monnerville, qui ne demandait rien de moins que l'annulation du référendum.
4 Député radical que Georges Pompidou avait proposé au Général le 1 er juin 1958, après avoir essuyé le refus de Mendès France.
5 Personne n'est admis à alléguer ses propres faiblesses.
Chapitre 4
«NOUS DEVONS RODER CORRECTEMENT LES INSTITUTIONS»
Conseil des ministres, 20 février 1963.
Pompidou ne laisse plus à son secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement le soin de rendre compte de la session. Il s'affirme lui-même, dans cette République mi-parlementaire mi-présidentielle, comme le pôle parlementaire qui fait contrepoids au pôle présidentiel :
« La session extraordinaire du Parlement s'est déroulée dans des conditions très satisfaisantes, malgré le Sénat. Le vote de la loi sur la Cour de sûreté de l'État a été fait en deux fois. Nous avons été contraints, parce qu'il y avait eu une erreur dans les délais de convocation, de soutenir un second débat qui a été beaucoup plus aigre. L'opposition du Sénat s'est révélée ce qu'elle est dans la Constitution, c'est-à-dire nulle et sans effet, dès lors qu'il y a une majorité ferme à l'Assemblée nationale, ce qui est maintenant le cas. Nous avons pu constater la cohésion permanente des groupes de la majorité.
GdG. — Le Sénat a été moins odieux que souvent. Enfin, tout ça est sans importance... »
Je vois Pompidou tiquer sur cette dernière phrase du Général. Redoute-t-il qu'elle s'applique non seulement au Sénat,
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