C'était De Gaulle - Tome I
mais à l'Assemblée elle-même ? Il me confirme en effet, à la sortie, qu'il a cette crainte.
Là-dessus, le Général pose une colle :
« Est-ce que je me trompe, ou est-ce qu'il faut bien un décret de clôture, dans ces circonstances ? Ou bien y a-t-il automatiquement fin de la session quand l'ordre du jour est épuisé ? »
Personne ne dit mot. Pompidou sèche comme les autres. Foyer, incollable quand il s'agit de lois et de règlements, a laissé à tous les autres le temps de s'exprimer, c'est-à-dire d'afficher leur ignorance. Il tire enfin le Conseil d'embarras : « Il faut un décret de clôture quand la session est à l'initiative du gouvernement.
— Ah, il me semblait bien », répond, avec modestie, le Général, qui a savouré notre incertitude.
Il n'est pas porté vers le régime parlementaire, mais il en connaît les règles mieux que tous ses ministres sauf un.
« Il faut que les députés aient toujours quelque chose à se mettre sous la dent »
Salon doré, 27 février 1963.
Les craintes de Pompidou, la semaine dernière, étaient vaines. L'Assemblée de cette deuxième législature semble bien devoir réconcilier le Général avec le Parlement.
AP : « Ne croyez-vous pas que nous pourrions profiter du fait que nous avons obtenu une large majorité pour mettre l'Assemblée dans le coup ?
GdG. — Si ! Nous sommes assurés d'une majorité bien disposée envers nous : pourquoi ne pas s'en servir pour appuyer ce que nous faisons, pour lui donner quelque résonance dans l'opinion publique ? Pourquoi ne pas faire des débats sur les questions économiques et sociales ? Nous n'avons rien à renier dans ce domaine, bien au contraire. Nous n'avons pas à être honteux ! Nous pouvons répondre à toutes les critiques ! La politique de stabilité que nous voulons mener n'est pas opposée au progrès social. C'est l'inverse ! Elle est destinée à favoriser le progrès social, parce qu'elle favorise le progrès économique.
« Sinon, nous allons voir nous pousser dans les jambes des projets de réforme de la Constitution, et je ne sais quelles innovations bizarres. Ça va prendre les parlementaires comme un prurit, faute de pouvoir s'exercer à quelque chose de solide et de pratique. Alors, pourquoi ne pas accepter et même provoquer des débats ?
AP. — Quel genre de débats ? »
Tout de go, le Général ébauche une bonne demi-douzaine de grands débats : sur « la ratification du traité franco-allemand et tout ce qui en découle au point de vue européen » ; sur « la nouvelle orientation de nos rapports avec l'Algérie nouvelle » ; « et puis la grande question de notre développement, cela mérite de mettre l'Assemblée nationale dans le bain » ; « l'aménagement du territoire » ; « l'aménagement de la région parisienne ». « Tout cela permettrait de faire travailler l'Assemblée, par exemple par le biais de commissions ad hoc, ce qui ne manquerait pas d'intéresser les parlementaires » ; « et puis, notre progrès atomique, spatial, scientifique, technique ».
« Et pour l'Éducation nationale ? Il faut qu'elle mérite vraiment son nom. Je ne sais si Fouchet sera prêt. S'il l'est, on pourrait discuter de la direction à donner à l'effort de la France dans ce domaine : l'application de la réforme de 1959, la démocratisation, l'orientation, la sélection, etc. L'Assemblée doit être associée à cet effort.
« Et puis, les arts, la culture, l'architecture, en combinaison avec le logement, voilà encore de beaux sujets. Il ne faut pas laisser dormir les députés ! Il faut leur donner du grain à moudre !
« Puisque la majorité de l'Assemblée nationale souhaite aider le gouvernement, je ne demande qu'à la voir se saisir de questions importantes. Il faut favoriser ses initiatives. Il faut que les députés aient toujours quelque chose à se mettre sous la dent ; qu'ils aient l'impression que l' œuvre gouvernementale, c'est aussi leur œuvre. C'est cela, la réalité parlementaire d'aujourd'hui.
« Bien sûr, il faudra que le gouvernement précise tout cela. Et puis il faudra que ces débats soient organisés, pour que ce ne soient pas des torrents indisciplinés.
AP. — Et le Sénat, quelle place lui voyez-vous dans ce travail parlementaire ?
GdG. — Le Sénat, il n'y a rien à en tirer. C'est un fait. Je le regrette pour lui. Alors, il n'entendra rien de ce qu'on aurait pu lui faire entendre. »
Pour qui sonne le glas...
« Tout ça ne manquerait pas de
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