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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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sans courir le risque que mon visage soit transformé en fromage blanc par un technicien malintentionné, ce qui est déjà arrivé.
    AP. — Les semaines dernières m'ont montré que vous aviez raison de m'inviter à la prudence, puisque j'ai dû, à diverses reprises, redresser moi-même la barre. Mais, maintenant que nous ne sommes plus responsables de la situation en Algérie et que l'OAS a mis les pouces, me permettez-vous de reprendre cette idée ? J' ai procédé à des études. Voici une note qui fait le point. »

    « Vous voulez faire des cadeaux à nos adversaires ? »
    Le Général pose la note, sans la regarder, sur un coin de sa table.
    « Ne vous emballez pas ! Vos idées ne sont pas à l'ordre du jour. Les perspectives qui sont devant nous sont rudes.
    « Les mois qui viennent seront des mois de combats. Les dangers ne sont nullement écartés ! L'OAS fera tout pour me zigouiller ! Si elle n'y arrive pas, la conjuration de tous les opposants essaiera de m'abattre. Vous croyez que c'est le moment de baisser la garde ? Vous croyez qu'un nouveau régime peut s'implanter sans énergie ? Vous croyez qu'on peut conquérir le terrain sans passer à l'attaque ? Vous voulez faire des cadeaux à nos adversaires ? Vous vous imaginez que les socialistes, après avoir pris ma succession en 46, m'ont fait des cadeaux ? Quand Ramadier est venu me prévenir que j'étais interdit sur les ondes nationales, il avait bien raison, de son point de vue ! Si j'avais jaspiné tranquillement à la radio d'État et aux autres radios, tous ces politicards, qui les contrôlaient, auraient bel et bien risqué de ne pas faire de vieux os.
    « Et la III e République, vous croyez qu'elle se serait enracinée, si elle n'avait pas eu de la poigne, si elle n'avait pas pris en main les écoles, les lycées, l'université, les manuels d'histoire, la plupart des journaux ? Elle a imposé le fait accompli à une classe dirigeante qui lui était massivement hostile : "la Gueuse" ! Les monarchistes étaient majoritaires mais divisés — comme toujours la droite — entre trois prétendants, l'orléaniste, le légitimiste et le bonapartiste. Thiers a conclu : " C'est la République qui nousdivise le moins." Et, pendant des décennies, on a matraqué ce théorème pour l'imprimer dans les cervelles.
    « La gauche, les francs-maçons, les syndicats, les hussards noirs ont fait pénétrer opiniâtrement l'idée qu'il n'y avait pas d'autre régime possible que la République, qu'il était incivique d'en imaginer un autre, que tout adversaire du régime était un mauvais Français. Et encore, il a fallu la guerre de 14 pour provoquer, devant l'ennemi, la fusion des volontés et faire accepter la République à peu près par tous ! Quarante-quatre ans après sa proclamation ! Il n'y a que trois ans et demi que nous avons installé le nouveau régime. Il lui faudra bien plus de temps pour devenir irréversible ! »

    Le Général va à pas lents vers le seuil et m'assène durement : « Ce n'est vraiment pas le moment de faire un statut pour la RTF ! Vous avez de par la loi autorité sur l'établissement, sur ses cadres, sur ses techniciens, sur ses journalistes ! Cette autorité, gardez-la ! L'avenir du régime dépend en grande partie de la manière dont elle sera exercée. On ne sait jamais ce qui peut arriver ! L'heure n'est pas venue de décoloniser, comme vous dites ! »
    Il n'a pas dit: «L'avenir dépend de la manière dont vous exercez cette autorité ! » Sous-entendu : « Si vous ne faites pas l'affaire, si vous n'avez pas le courage d'imposer votre autorité, je vous remplacerai. Ce n'est pas le statut qui changera, c'est le titulaire du portefeuille ! »
    Il me regarde de haut en bas et conclut sur le ton du commandement, comme s'il doutait de m'avoir convaincu : « Ça ne se discute même pas ! Croyez-moi... »
    Il ne dit pas, mais je suis sûr qu'il pense : « Vous êtes encore bien jeune, bien naïf, bien inexpérimenté. »

    Pompidou : « Vous allez trop loin, le Général n'acceptera jamais »
    Au début d'août 1962, je remets à Pompidou le projet de statut de la RTF que nous avons préparé en grand secret. Je lui indique les mises en garde sévères du Général — et encore plus sévères de Pierre Lefranc — sur mes projets.
    Pompidou : « Ne vous imaginez pas que c'est Lefranc qui monte le Général contre vos idées, c'est le Général qui fournit ses idées à Lefranc. Je crois comme vous qu'il faut le faire évoluer.

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