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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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PAS DES NATIONS COMME DES MARRONS DANS UNE PURÉE »
    Le 12 janvier 1960 , René Brouillet me demande de passer le voir à l'Élysée. « Nous sommes préoccupés ici par la campagne de plus en plus vive que fait le Mouvement européen contre les idées européennes du Général. »
    « Nous » : éviter de découvrir de Gaulle, telle est la consigne première de ses collaborateurs. Mais la suite de la conversation me prouve qu'il s'agit bien de ses préoccupations à lui.
    « Il a justement l'intention de prendre des initiatives dans ce domaine au cours des mois qui viennent. Mais elles ne pourront aboutir que si elles ne sont pas aussitôt torpillées par des procès d'intention. Le Général souhaiterait donc qu'on fasse pièce au Mouvement européen, qui a pris une tournure violemment anti-gaulliste.
    « Nous avons songé que vous pourriez animer un autre mouvement européen, qui, lui, serait gaulliste et défendrait la thèse de l'Europe des nations, face à l'Europe supranationale. On pourrait affilier ce mouvement français à l'Union paneuropéenne de Coudenhove-Kalergi 1 , que le Général connaît depuis longtemps et qu'il a reçu récemment. On mettrait comme président Louis Terrenoire, qui, comme ministre de l'Information, n'aura guère le temps de s'en occuper, et vous seriez secrétaire général. On pourrait demander à Pompidou d'être trésorier. Si vous êtes d'accord, je vais lui téléphoner. Le Général vous recevra bientôt.»
    Tout est déjà empaqueté, avec une faveur rose. Le Général a évidemment donné son accord à cette construction, à moins qu'il en ait eu l'idée lui-même. Il n'est donc pas question d'en discuter.
    Georges Pompidou, que je vais trouver dans son petit bureau Empire chez Rothschild, se charge de trouver de modestes fonds, nécessaires pour éditer un bulletin mensuel et organiser des réunions. « J'ai de l'entraînement, me dit-il gaiement. J'ai été grand argentier du RPF vers la fin de son existence. J'espère que ça coûtera moins cher et que ça se terminera mieux. »

    « Je veux que l'Europe soit européenne, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas américaine »
    Selon la même procédure que la première fois, en passant par le bureau de René Brouillet, je suis reçu par le Général le 27 janvier 1960. Il me déclare tout de suite, avec de la tristesse dans la voix :
    « Voyez-vous (il ne m'appelle plus "Monsieur le député" ; je suis passé d'un cercle dans l'autre : celui des visiteurs assez familiers déjà pour qu'il ne les appelle plus par leur fonction, mais pas encore assez pour qu'il les appelle par leur nom). Voyez-vous, il n'y a pas beaucoup de véritables Européens. Je me demande quelquefois si je ne suis pas le seul. Il y a des gens qui cherchent des places et des avantages.
    « Il y a Luns 2 , qui veut faire l'Europe, à condition qu'il y soit le cheval de Troie des Anglo-Saxons... Il y a Spaak 3 , qui essaie de contenir les forces centrifuges de la Belgique en l'entourant d'un bunker européen. Il y a Adenauer, qui préférerait éviter que l'Allemagne se réunifie, en intégrant l'Allemagne de l'Ouest à l'Europe occidentale et en renvoyant aux calendes la possibilité d'un accord avec l'Allemagne de l'Est. Pour ces deux-là, l'Europe, ça serait commode : vous pensez, ça empêcherait l'éclatement de la Belgique et l'unification de l'Allemagne... Il y a Pflimlin, qui veut favoriser la position de Strasbourg pour le siège, au détriment de Paris, que tout le monde sauf lui trouverait plus pratique. Tous, ils ne veulent de l'Europe que parce que ça arrange leurs petites affaires. Moi, je veux l'Europe pour qu'elle soit européenne, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas américaine.
    AP. — Vous vous êtes toujours fait une certaine idée de la France : vous êtes-vous toujours fait, de même, une certaine idée de l'Europe ?
    GdG. — Je n'ai pas attendu que les illuminés de La Haye 4 aient découvert qu'il y avait une Europe et qu'elle pouvait et devait s'organiser. Reprenez mes textes d'avant-guerre, de la guerre et de l'après-guerre, vous constaterez que j'ai toujours préconisé l'union de l'Europe. Je veux dire l'union des États européens. Lisez ce que j'en dis depuis plus d'un quart de siècle — il y aurait peut-être avantage, d'ailleurs, à regrouper ces textes. Je n'ai pas varié. Je souhaite l'Europe, mais l'Europe desréalités ! C'est-à-dire celle des nations — et des États, qui peuvent seuls répondre des nations.

    «

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