C'était De Gaulle - Tome I
adoptèrent avec enthousiasme le credo de La Haye.
5 C'est l'expression qu'il employait ; elle n'était pas encore à la mode.
6 Jean Laloy n'a pas cru devoir traduire cette dernière précision. Cette anecdote a été racontée de travers, selon lui, par Georges Bidault et d'autres. Il n'y avait là que les autorités soviétiques locales ; ni Molotov, ni aucun membre du gouvernement soviétique n'était venu au-devant du Général, qui arrivait à tire-d'aile de Paris.
7 Les seuls ouvrages qu'il avait alors publiés étaient deux opuscules de Morceaux choisis d'André Malraux et de Corneille (classiques Vaubourdolle, Hachette) et une copieuse Anthologie de la Poésie française (Hachette).
8 Un « gaulliste de gauche », journaliste à Combat, Jacques de Montalais, m'aida efficacement dans le travail de recherche des textes.
Chapitre 9
«NOUS N'ALLONS PAS NOUS LAISSER INFÉODER ! »
Nouvelle audience hors audiences. Le 13 juillet 1960, René Brouillet me demande de passer le voir. « Courcel et moi avons dit au général de Gaulle que vous connaissiez le traité de Rome sur le bout du doigt, et pour cause 1 . L'entretien que vous allez avoir avec lui est très confidentiel. Vous avez fait en 1957 au Quai d'Orsay, devant nos collègues, une conférence où vous démontriez que le traité de Rome permettait, tel qu'il a été signé, de garder la règle de l'unanimité jusqu'au-delà de la période transitoire, et donc de sauvegarder la souveraineté nationale 2 . Le Général souhaiterait vous interroger sur la manière de se prémunir contre le risque de perte de l'indépendance nationale que comporterait ce traité si l'on n'y prenait garde. »
« Vous êtes expert en chinoiseries bruxelloises ? »
Là-dessus, Brouillet m'introduit dans le bureau du Général.
« Alors, me dit celui-ci en me désignant impérieusement le fauteuil placé en face de lui (celui-là, pas un autre), on me dit que vous êtes expert en chinoiseries bruxelloises ?
AP (modestement). — Expert, c'est beaucoup dire. J'ai participé à Bruxelles, pendant deux ans, à la négociation des traités de Rome et de leurs règlements d'application.»
Le Général appelle mon attention, à son tour, sur le caractère confidentiel de cet entretien, puis il va droit à ce qui l'inquiète :
GdG : « Après le rejet de la Communauté européenne de défense, les inspirateurs de cette entreprise ont fui comme la peste les mots de " supranationalité " et de " fédéralisme ". Ils ont compris qu'ils couraient à un nouvel échec s'ils y allaient franco. Mais ils n'ont pas changé de convictions. Ils sont bien décidés à établir, comme ils disent, les États-Unis d'Europe, avec un super-gouvernementfédéral, composé des actuelles commissions, qui surplomberait des gouvernements provinciaux — les actuels gouvernements des Etats —, lesquels ne s'occuperaient plus que des questions secondaires 3 .
« Supranationalité, c'est absurde , rien n'est au-dessus des nations »
AP. — C'est le système Monnet. Il consiste précisément à créer des situations dont on ne peut sortir qu'en accroissant la dose de supranationalité. Chaque difficulté nouvelle nous entraîne dans un engrenage qui pousse un peu plus à l'État fédéral et dessaisit un peu plus les gouvernements nationaux.
GdG. — Cela, nous n'en voulons pas ! Cela ne se fera pas ! Ce serait une stupidité ! Des deux traités de Rome, je ne sais pas lequel est le plus dangereux. Le traité sur Euratom est plus qu'inutile, il est nuisible. Je me demande s'il ne faut pas le dénoncer. Et puis, il y a le Marché commun. C'est une union douanière, qui peut nous faire du bien, à condition qu'on réalise le Marché commun agricole, qui n'y est pas institué, et quelques autres politiques communes, qui ne sont même pas esquissées. Mais il comporte aussi des prétentions, ce qu'on appelle ses "virtualités supranationales", qui ne sont pas acceptables pour nous. "Supranationalité", c'est absurde ! Rien n'est au-dessus des nations, sinon ce que leurs États décident ensemble ! Les prétentions des commissaires de Bruxelles à vouloir donner des ordres aux gouvernements sont dérisoires ! Dérisoires !
« C'est un machin où nous donnons tout et ne recevons rien »
AP. — Ce que vous souhaitez, c'est de rendre inopérante la dose de supranationalité incluse dans les deux traités de Rome — Marché commun et Euratom —, mais aussi, il ne faut pas l'oublier, la dose encore
Weitere Kostenlose Bücher