C'était De Gaulle - Tome I
voulez pas qu'on le répète, ne le dites pas. »
Bokanowski, un peu confus, ravale sa confidence : « Bien, mon général. » On ne saura jamais ce qui s'est passé à Blanzy.
« La grève n'est pas et ne sera pas payée »
À ce même Conseil, Giscard présente le bilan financier des entreprises publiques, qui lui avait été commandé deux semaines plus tôt.
« Les entreprises nationalisées connaissent un très profond déficit, qui augmente gravement depuis l'an dernier. Aux Charbonnages, 30 millions en 1959, 158 millions en 1960, 675 millions qui avaient été prévus pour 1963 ; mais la charge des grèves et du rattrapage correspond à 459 millions supplémentaires ;on va dépasser de beaucoup le milliard. Les Charbonnages accusent un déficit de 20 % de leur budget.
GdG. — La notion de rattrapage appliquée à des entreprises qui ont un déficit de 20 % a quelque chose d'extravagant. Il faut faire ressortir la grande générosité du gouvernement. »
Après le Conseil, le Général, très calme, me donne d'abord ses instructions : « Il faut ouvrir carrément le dossier des mineurs. Vous avez commencé, il faut continuer. Il s'était produit dimanche un malentendu. Les mineurs n'ont pas compris l'importance des propositions du gouvernement en leur faveur. Nous avons admis le principe du rattrapage. Quelle est l'entreprise en déficit qui accepterait d'indexer le salaire de ses employés sur le salaire des entreprises en pleine prospérité ?
«Et à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire que nous avons décidé d'accepter, montrez bien que deux jours de grève, à eux seuls, annulent 1 % d'augmentation sur toute l'année. En poursuivant la grève, les mineurs vont, non seulement effacer les avantages que nous leur accordons, mais arriver à une perte sèche grandissante, par rapport à ce qu'ils auraient gagné sans faire la grève. Dites bien, en effet, que la grève, comme le veut la loi, n'est pas et ne sera pas payée. Ne craignez pas de le répéter, de le clamer ! Sous la IV e , on avait pris l'habitude de payer les journées de grève à la fin d'un conflit du travail. Il n'en est plus question ! La grève est légale, mais la grève payée est illégale ! Les meneurs porteront seuls la lourde responsabilité de diminuer les avantages qui leur sont déjà acquis.
« Le statut du mineur est une compensation au caractère pénible du métier. Mais, là non plus, il ne faut pas exagérer ! Le métier est beaucoup moins pénible qu'autrefois ; il est entièrement mécanisé ; on ne travaille plus à la pioche et à la pelle. L'émotion populaire s'accroche à des images qui datent du temps de Zola, mais qui ne sont plus justifiées.
« Le salaire des mineurs va coûter très cher au contribuable lui-même. Cette grève est désormais sans objet. Elle n'a aucun sens : ce n'est plus qu'une manœuvre politique. Le malentendu est en train de se dissiper. »
Je lui demande s'il pense que la CGT profite du climat actuel pour politiser les grèves.
GdG : « Bien sûr ! Elle s'est arrangée d'abord pour ne pas apparaître. Au début, elle était même en retrait par rapport aux deux autres syndicats. Elle s'arrangeait pour pousser les autres en avant ; elle les faisait combattre à sa place. Ensuite, elle occupait le terrain. C'est comme ça qu'on fait le mieux la guerre. On ne s'use pas soi-même. On use les autres.
« Mais, au fur et à mesure que le temps passe, la CGT se démasque. Maintenant que la CFTC et FO semblent plus hésitantes, la CGT montre quelles sont ses véritables intentions politiques.
« Un seul moyen d'en sortir : rester inébranlable »
AP. — Finalement, quel moyen d'en sortir voyez-vous ?
GdG. — Je vous répète qu'il n'y en a qu'un, c'est de rester inébranlable jusqu'au bout. Dans votre commentaire, ne donnez pas l'impression qu'il y a trente-six formules possibles, que le gouvernement est prêt à aménager la formule proposée dimanche par les Charbonnages. Dites que votre exposition des choses, celle que vous avez faite lundi à la télévision, est destinée à simplifier et à clarifier. ( Exposition : comme j'aime ce vieux sens du mot, pour présentation. )Vous pouvez dire qu'elle aide à mieux comprendre les choses. Mais dites bien que ce n'est pas un aménagement. Car il ne faut pas aménager. Il faut, maintenant, qu'ils avalent la pilule comme elle est, et pas autrement !
« Vous allez voir qu'ils vont finir par l'avaler car, à mesure que le temps
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