C'était De Gaulle - Tome I
me combattaient. Cette malheureuse grève des mineurs, à cause du décret de Colombey qui m'a mis en première ligne, a éloigné de moi les ouvriers. Ne vous en faites pas, ils nous reviendront quand ils auront pris du recul. »
« Les Français se sont dit que la majorité est trop belle »
Il s'arrête un instant, et prononce à voix grave, presque basse : « Peut-être que les Français ont pensé que l'Assemblée nationale et le gouvernement ne les représentaient pas vraiment. Peut-être qu'ils se sont dit que la majorité est trop belle. Ce n'est pas ce qu'ils voulaient.»
Est-ce le Général qui a donné son interprétation à Pompidou, ou Pompidou au Général ? Je croirais plutôt ceci que cela.
« Au point où en étaient les choses et en particulier l'action des communistes, il devait nécessairement arriver un moment où, les réclamations étant considérables, il apparaîtrait qu'on ne peut pas tout satisfaire. L'abandon est toujours la pire des politiques.
« On ne peut rien sur un chameau qui baraque »
« J'ai signé la réquisition des mineurs. Si l'action avait consisté ensuite, pour le gouvernement et pour moi-même, à dire : "C'est entendu, nous donnons satisfaction aux mineurs, demain aux cheminots ", que se serait-il passé ? Sur le moment, il y aurait eu des soupirs de soulagement dans Le Figaro, dans La Croix et au Monde. Puis, on aurait tous été emportés. J'aurais perdu ma raison d'être, qui est d'être identifié à l'intérêt général. L'intérêt général, c'est l'expansion dans l'ordre, c'est la progression dans la stabilité. Si je venais à le renier, je me renierais moi-même, et ça ne servirait à rien.
« Quand les mineurs ont décidé d'ignorer la réquisition, il y a eu un moment difficile. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif, on ne peut rien sur un chameau qui baraque.
« Il a bien fallu lâcher un peu de lest. Le gouvernement a pris une position très favorable au secteur public, puisqu'il accepte l'alignement sur le secteur privé dans une période où celui-ci a connu une hausse considérable. Dans l'avenir, ça ne pourra pas se perpétuer.
« Arrangez-vous pour faire ressortir non seulement les chiffres qui sont contenus dans le rapport Massé, mais encore les constatations élémentaires et fondamentales qu'il contient. Et puis il y a le rapport Toutée. Nous y voyons plus clair pour plus tard. Tout ça est arrivé parce qu'on n'avait pas su analyser une situation correctement et en tirer les conséquences pour l'avenir. Dire que personne ne se doutait qu'il y avait un "rattrapage" à effectuer ! L'équité aurait voulu qu'il soit assuré par des procédures de contrôle et de concertation. Qui s'en souciait, jusqu'à ce que les mineurs se mettent en grève ?
« Se prosterner devant les féodalités, je ne l'ai jamais admis et je ne l'admettrai jamais »
« C'est le rôle de l'État que d'arbitrer les intérêts particuliers et de les soumettre à l'intérêt général. De même qu'il faut que le Premier ministre, et en dernier ressort moi-même, nous arbitrions les demandes des ministres dépensiers, il faut que l'État arbitre les revendications des différentes catégories sociales.
« Dans cette affaire comme dans les autres, nous n'avons pas permis que l'État se prosterne devant les féodalités. Je ne l'ai jamais admis et je ne l'admettrai jamais. Ce serait trahir le peuple tout entier, qui doit passer avant chacune de ses composantes ; et qui nous a fait confiance pour que ce soit le cas.
« C'est nous qui aurons gagné l'épreuve de force, conclut le Général, si nous savons en tirer les conséquences. Quand les gens remettront les choses à leur place, un peu d'impopularité sera vite oublié ; des mesures à long terme dureront. Il n'est pas possible d'admettre qu'une corporation, sous prétexte qu'elle est subventionnée et que les finances publiques paient ses déficits, puisse faire plier la nation et reculer l'État.
« Voyez-vous, il ne faut jamais privilégier un groupe sur la nation, ni sacrifier l'avenir pour surmonter un embarras du présent. Le salut du pays avant tout. Primum omnium salus patriae. »
FIN DU PREMIER TOME
LISTE DES SIGLES
AELE, Association européenne de libre échange (cf. EFTA).
AFP, Agence France presse.
ALN, Armée de libération nationale (cf. FLN).
AMGOT, Allied military government of occupied territories.
BBC, British Broadcasting Corporation.
CECA, Communauté européenne du charbon
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