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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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et la construction de l'Europe, 1940-1966, Thèse pour le doctorat en science politique soutenue le 25 avril 1966, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1967).

Chapitre 10
    « CES PAUVRES FRANÇAIS D'ALGÉRIE SONT EN TRAIN DE SE SUICIDER »
    19 décembre 1960.
    Déjeuner intime à l'Élysée. Et dans quelles circonstances ! Le Général revient d'une tournée en Algérie qui s'est très mal passée : les pieds-noirs l'ont conspué et l'ont même un moment menacé physiquement, à Aïn-Témouchent. L'aide de camp explique que l'entourage a vu le moment où on allait le lyncher. Il était sorti de l'hôtel de ville sans autre protection que deux gorilles. Il avait plongé dans la foule des Arabes, amenée par les pieds-noirs pour crier « Algérie française ! », et qui, depuis son arrivée, deux heures plus tôt, émettait un hurlement ininterrompu. Stupéfaite de son intrépidité, elle s'est écartée devant lui. On a même crié : « Vive de Gaulle ! » Le journaliste américain Joseph Alsop, connu pour son antigaullisme, en pleurait d'émotion et d'admiration.
    De Gaulle, en revanche, n'en dit mot et se tient à des propos de circonstance, qui m'ont paru d'une étonnante banalité, comme s'il voulait marquer qu'on n'est pas génial à jet continu, mais qu'on partage les pensées ordinaires de tout le monde. Je ne puis m'empêcher d'en être un peu déçu. Comment peut-on, quand on est de Gaulle, parler pour ne rien dire ? Il est vrai qu'il parle peu.

    « À l'Élysée , rien ne rappelle nos grandes gloires »
    Le seul propos qui mérite d'être noté : « Non, je n'aime guère ce palais, répond le Général à sa voisine. Il est plein de fantômes déplaisants, depuis la Pompadour jusqu'à Mme Steinheil 1 ...
    (On lui prête une formule: "C'est un palais de la main gauche." Mais si elle est authentique, il s'interdit de la redire. Il sait que ses boutades font aussitôt le tour de la France ; il ne veut pas se répéter.)
    « ...en passant par l'abdication de Napoléon I er et le coup d'État du 2 décembre. Le quartier lui-même, c'est celui de l'argent, des nantis, des boutiques de luxe. Rien n'y rappelle nos grandes gloires, ni le peuple. J'aurais mieux aimé Vincennes. Mais tout le monde m'explique que la distance poserait auxmembres du gouvernement des problèmes insolubles de trajet, et qu'au surplus, ça coûterait les yeux de la tête d'aménager le château. Alors, j'ai fini par me résigner. »
    Plusieurs ministres m'ont raconté que le sujet était revenu régulièrement en Conseil dans les premiers temps du gouvernement Debré. Chacun baissait la tête vers son sous-main. On attendait qu'il se lasse ; ce qui a fini par arriver.

    « L'histoire de France est tragique »
    « Vincennes, certes — fait remarquer Jean de Broglie — c'est Philippe-Auguste, c'est Saint Louis et son chêne, mais c'est aussi l'exécution du duc d'Enghien dans le fossé.
    — C'est vrai que ça non plus, reconnaît le Général, ce n'est pas un bon souvenir. Que voulez-vous, l'histoire de France est tragique. »
    Au café, il va de l'un à l'autre. Il s'approche des dames, qui parlent des exploits en football de leurs gamins. Il fait semblant de s'intéresser à ces échanges. « Et vous, Madame ? » demande-t-il à Monique, qui restait silencieuse. « Oh moi, je ne me pose pas ce genre de questions, je n'ai que des filles, et un garçon qui a trois semaines. » « Comment, s'écrie-t-il, vous avez eu un bébé il y a trois semaines, et vous restez debout ? » Il l'entraîne à grandes enjambées vers Mme de Gaulle, et la fait asseoir sur le canapé : « Yvonne, cette jeune femme vient d'avoir un bébé, occupez-vous donc d'elle ! » Il a une tragédie sur les bras, il vient une fois de plus d'échapper à la mort, et il se préoccupe d'une jeune accouchée.
    Puis il revient vers les hommes. En tournant sa cuillère dans sa tasse, il nous dit avec résignation : « Ces pauvres Français d'Algérie sont en train de se suicider. Ils font tout pour rendre impossible la fin des combats. Ils font tout pour dresser l'armée française contre la France. Ils font tout pour se faire chasser d'Algérie. Ils sont en train de ruiner les dernières chances qui leur restaient de pouvoir s'entendre avec les musulmans et de cohabiter avec eux dans l'Algérie algérienne. Ils préparent un bain de sang dont ils seront les premières victimes. »

    « L'Algérie française, ce n'est pas la solution, c'est le problème »
    Il

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