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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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soigneusement édulcorés, pour Le Monde.
    Le Général ne me parla jamais de la note. Seuls, Robert Gillet et Jacques de Beaumarchais, directeur et directeur-adjoint du cabinet de Couve, m'indiquèrent négligemment que « mon rapport faisait l'objet d'études attentives ». Pourtant, je constatai que les méthodes de mise en sommeil de la supranationalité que je préconisais furent suivies pendant les six années suivantes — probablement parce qu'elles s'imposaient d'elles-mêmes. Elles devaient aboutir au « compromis de Luxembourg » de janvier 1966, qui sauvegardait le droit de veto pour les questions essentielles.
    Quant à la version « grand public », elle parut en quatre articles à partir du 14 septembre 1960. Lorsque, un an plus tard, fut connu ce qu'on allait appeler le « plan Fouchet », Le Monde s'enorgueillit d'avoir bénéficié d'un scoop 5 . En vérité, Christian Fouchet comme moi n'avions servi que de prête-noms au Général.
    Hélas ! À la fin d'août 1960, partant visiter Chine et Japon, j'avais confié à ma secrétaire le soin d'adresser à mes collègues français du groupe libéral du « Parlement européen » — au nombre desquels figuraient non seulement quelques gaullistes, mais René Pleven, Maurice Faure, Jean Legendre — le texte que Le Monde allait publier un peu plus tard. Par une malencontreuse erreur, ma secrétaire lui substitua la note secrète...
    À mon retour, j'appris que ce texte avait fait scandale dans le Landerneau de la supranationalité. Une feuille confidentielle proche des Commissions de Bruxelles l'avait dûment reproduit 6 .
    Le pire vint deux ans plus tard, quand Georges Pompidou présenta son premier gouvernement devant l'Assemblée nationale, le 26 avril 1962. L'un de mes destinataires imprévus, Jean Legendre, député-maire de Compiègne, fédéraliste convaincu, cloua le gouvernement au pilori devant un hémicycle et des tribunes bondés : « Monsieur le Premier ministre, nous ne connaissons pas vos idées... Mais nous connaissons celles du nouveau secrétaire d'État à l'Information, notre collègue Alain Peyrefitte, qui a bien voulu nous adresser voici près de deux ans une note confidentielle, accompagnée de sa carte de visite, dans laquelle il expliquait comment on allait pouvoir "inactiver les virtualités fédérales des traités de Rome", et "chloroformer Euratom". Eh bien, ces idées sont exactement contraires aux nôtres ! Nous voulons activer les virtualités fédérales du traité de Rome ! Nous voulons la supranationalité ! Nous voulons les États-Unis d'Europe ! Nous vous combattrons si vous y portez atteinte ! » (tonnerre d'applaudissements sur presque tous les bancs, sauf ceux du groupe UNR, consterné).
    Georges Pompidou ne répondit pas à cette philippique. Il se contenta de me dire avec bonhomie, car il avait aperçu ma rougeur de jouvenceau : « Vous écrivez trop. »
    1 De 1956 à 1958, j'avais été membre, comme sous-directeur des Organisations européennes au Quai d'Orsay, de la petite délégation française à la conférence inter-gouvernementale de Bruxelles.
    2 Cette démonstration technique, faite en décembre 1957 lors d'un « séminaire de recyclage » de diplomates consacré aux traités de Rome, avait été publiée par le Quai d'Orsay avec les autres communications de ce colloque. Elle avait affligé les uns et enchanté les autres.
    3 Trente-quatre ans après cet entretien, la querelle entre partisans de la fédération et de la confédération, de la supranationalité et de la transnationalité, fait toujours rage.
    4 Alfred Fabre-Luce, Lettres européennes (publiées par l'auteur et adressées par lui à des relais d'opinion). La presse en avait publié des extraits.
    5 Le Monde du 28 septembre 1961 : « Nous avons, l'an dernier, publié une série d'articles dans lesquels M. Alain Peyrefitte analysait les idées gaullistes en matière de construction européenne (voir Le Monde du 14 au 17 septembre 1960). Les perspectives qu'ils ouvraient, à mi-chemin d'une conception "intégrationniste" et d'une conception strictement inter-gouvernementale, se sont trouvées confirmées par les conclusions du "sommet" européen de Bad-Godesberg. »
    6 Le journal belge La Dernière Heure du 8 février 1963 devait le republier. Une thèse de doctorat devait même démontrer que « toute la politique européenne de la France depuis six ans était révélée dans ce document d'août 1960 » (Edmond Jouve, Le général de Gaulle

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