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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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renouera pas si on n'envisage pas une alternative.
    Malraux ne me donne pas son avis : il se projette dans la pensée du Général, il imagine ce que sera finalement sa décision.
    Tout de noir vêtu — il vient de perdre ses deux fils dans un accident de voiture —, il marche de long en large dans son bureau doré du Palais-Royal :
    « Pour le Général, toute solution est bonne qui lui permettrait d'en finir rapidement avec l'affaire d'Algérie. Le temps presse. Il veut avoir les mains libres pour engager la grande politique planétaire entre les deux blocs qu'il est seul à pouvoir mener et qui est seule digne de la France. Il est probable que votre formule reviendrait à poursuivre la guerre sous une autre forme, qui serait plus facile pour nous à soutenir que l'autre, mais qui serait une guerre quand même. C'est pourquoi je pense que le Général, même s'il est momentanément séduit par cette hypothèse, finira par la rejeter. Quand vous développerez vos idées, vous verrez que les Français se diviseront entre partageux et dégageux. Il y aura d'abord plus de partageux que de dégageux. Puis, si les négociations reprennent, les dégageux augmenteront et les partageux diminueront. Et le Général fera ce qu'il faut pour ça. »
    Cette vaticination me trouble. Il va plus loin que les autres : c'est l'art de deviner les ressorts de la psychologie du Général mieux que lui-même ; l'art de prévoir ce que fera de Gaulle, alors que celui-ci ne le sait peut-être pas encore lui-même.

    Le secret du roi
    Les rebuffades de quelques proches du Général ne m'ont pas découragé. J'ai constaté que ni Joxe, ni Couve, ni Tricot, ni même Courcel ne supposaient que le Général eût réfléchi sérieusement à cette solution. Il est donc loin de tout leur dire.
    C'est la première fois que je perçois cette réalité étrange d'un secret du roi, que je constaterai bien des fois par la suite. De Gaulle confie à quelqu'un, qui n'a pas qualité pour l'accomplir, une mission qu'il cache à ceux qui devraient en avoir la charge — et qui, lorsqu'ils en ont connaissance, ne la prennent pas au sérieux, puisqu'ils en ont été exclus.

    Au cours de ces entretiens, j'ai appris que, comme hôte de Matignon en 1958, il avait reçu une dizaine de fois Abderrahmane Farès.(C'est Guy Mollet, son ministre d'État, qui l'avait mis en contact avec cet émissaire discret du FLN, grâce auquel, en 1956, quand il était président du Conseil, il avait engagé des conversations avec la rébellion algérienne.) Farès arrivait en fin d'après-midi dans le petit hôtel occupé par le ministre d'État, face à Matignon 9 . Il avait une conversation avec Guy Mollet, après avoir bavardé avec son directeur de cabinet, le diplomate Etienne Manac'h. Celui-ci téléphonait à Bonneval : « Le visiteur du soir est arrivé », et venait l'accompagner jusqu'à la porte du Général. Trois ans plus tard, Joxe, son ministre chargé de l'Algérie, n'avait pas été informé de cet épisode — et a refusé d'abord de le croire quand je le lui ai révélé incidemment.
    Telle est la force du secret du roi, qu'il s'étend même à ses proches.

    « ll faut montrer que c'est une solution réalisable sur le terrain »
    Au début de septembre . Vincent Labouret, revenant d'un comité interministériel à Matignon, me téléphone : « Vos idées l'emportent, c'est un triomphe.»
    Le colonel de Boissieu, rencontré quelques jours après, me confie que son beau-père, se promenant avec lui en forêt des Dhuits, a longuement analysé avantages et inconvénients de la partition, pour conclure qu'il n'y aurait probablement pas d'autre solution 10 .

    Pendant ce mois d'août 1961, j'ai laissé courir allégrement ma plume sur ce thème, puis j'ai resserré mon texte en une quarantaine de feuillets que j'ai fait lire à Hubert Beuve-Méry, mon voisin de campagne en Seine-et-Marne. Il les publie en quatre articles en première page du Monde à la fin de septembre. J'en avais au préalable soumis le texte à l'Élysée. René Brouillet, directeur du cabinet, m'a transmis le « feu vert ».
    À peine ces articles sont-ils parus, que Brouillet me rappelle pour me dire qu'à ses yeux (c'est-à-dire aux yeux du Général), ce sujet mériterait plus que des articles : un véritable livre, avec des cartes, des documents, un rappel de divers précédents à travers lemonde, une étude économique. Il ne s'agit plus d'une hypothèse d'école. Il faut démontrer que

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