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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Il a l'air sincèrement désolé de m'avoir fait de la peine.
    AP : « J'ai compris, mon général. Je vais demander à l'éditeur de mettre au pilon la composition de mon livre. »
    Il marche en silence. Puis, au moment d'ouvrir la porte, il laisse tomber :
    « Je ne vous le demande pas. Gardez-vous-en bien ! Ça peut encore servir. La seule chose que je vous demande, c'est de ne pas laisser entendre que je suis favorable à cette solution. »
    Ainsi, le Général ne déteste pas que se maintienne une pression sur le FLN, et donc que je maintienne ma démonstration ; à condition que je n'en sois pas dupe, et qu'elle ne l'engage point.
    Je vais m'ouvrir de ma déception à Michel Debré, qui m'avait tant encouragé dans cette voie. Il a bien constaté l'évolution du Général. Il s'en dit plus accablé encore que moi. « La partition, m'explique-t-il, a d'abord été une idée de fond du Général ; puis, comme il fait souvent, il y a renoncé en tant que telle, mais a continué à la poursuivre comme moyen tactique. » Visiblement, le Premier ministre n'y peut rien.

    Ainsi, en se référant à des propos qu'il avait tenus à peu de mois d'intervalle, on aurait pu affirmer aussi bien qu'il userait sûrement de la partition, et qu'il n'en voulait à aucun prix. En vérité, il y avait songé successivement, voire simultanément : passionnément désireux, seulement, de soustraire au plus vite la France à la tragédie algérienne.
    La publication de l'ouvrage avant Noël 1961 me valut plus de courrier que, par la suite, tous mes autres livres réunis. À Oran, on fonda une « Association pour le partage de l'Algérie »... Conformément au vœu du Général, je me gardai bien d'exploiter l'intérêt que cette question éveillait.
    En avril, Robert Buron et Jean de Broglie devaient me raconter que, pendant les conversations des Rousses 2 , le coupde téléphone à Matignon, le soir, quand les Algériens étaient repartis pour la Suisse, donnait lieu à des colères de Michel Debré : « C'est impossible ! Refusez ! Dites-leur que nous allons en venir à la solution Peyrefitte ! Sinon, vous n'obtiendrez rien ! » Le Général, au contraire, se montrait satisfait de l'évolution des conversations et ne leur fit aucune allusion à mon hypothèse.

    Le 8 février 1962 , Pompidou me demande de passer le voir à sa banque et me fait des reproches : « Vous avez eu tort de faire paraître votre livre ! Quand la négociation a été emmanchée, il ne fallait plus insister ! » Autant il était enthousiaste de cette idée le 4 août dernier, autant il est grognon six mois plus tard. Le Général m'ayant fait promettre de ne dire à personne qu'il m'avait incité à ces travaux, je n'ai pas prononcé devant Pompidou la défense qui aurait suffi à calmer ses inquiétudes.
    « Ne parlez plus de tout ça, ne faites plus d'articles, ne passez plus dans les radios et à la télévision. Vous rectifiez le tir en expliquant que le partage était un pis-aller et que, si les objectifs que vous recherchiez sont atteints par la négociation, ça vaut mieux. »
    Il n'a plus le ton de l'aîné qui bavarde amicalement avec un cadet. Il parle déjà comme un chef de gouvernement.
    Il me quitte en me redisant sévèrement : « Comment n'avez-vous pas compris, quand le contact a été renoué avec le FLN, qu'il fallait laisser tomber ça ? C'est dommage pour vous. » Que veut-il dire ?

    Le lendemain , 9 février , le Général m'adresse une lettre, apportée sous double enveloppe par un motard. Elle ne laisserait en rien supposer qu'il est à l'origine du livre dont il me remercie :

    Mon cher Député,
    Le partage de l'Algérie, les voies qui lui sont offertes, les formes qu'il pourrait prendre, les avantages et les inconvénients de chacune d'elles sont autant d'aspects d'une même question, que votre livre a le mérite d'éclairer tour à tour et jusqu'en leurs détails.
    Je vous sais gré de m'avoir , en me l'adressant, mis à même de tirer profit de vos réflexions sur ce sujet et des conclusions que vous en tirez .
    Veuillez croire , mon cher Député , à mes sentiments les plus distingués et les meilleurs.
    C . de Gaulle
    Il a dû tourner sa plume dans l'encrier: la lettre est assez aimable pour faire plaisir à son destinataire, assez distante pour ne pas compromettre son auteur.

    « C'eût été une solution de désespoir »
    Élysée , 14 mars 1962 .
    À la réception donnée en l'honneur du président du Tchad Tombalbaye, le

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