C'était De Gaulle - Tome I
1 avait été calme ; mais, depuis, des musulmans sont descendus dans la rue et l'OAS a riposté. Les deux communautés, à l'heure où je parle, s'affrontent. Il semble que l'action de ces musulmans n'était nullement spontanée, mais connue à l'avance des chefs des wilayas.
« La lutte contre l'OAS marque des points. Aucun maquis ne peut s'organiser. L'OAS n'existe pas en dehors d'Alger et d'Oran. Ses initiatives sont anarchiques, et le fait d'éléments très jeunes... Elle utilise des appareils de brouillage pour rendre inaudibles les émissions de la télévision française. »
(C'est bien la preuve, malgré les vifs reproches que m'a faits le Général, que l'OAS n'y trouve pas seulement des motifs de satisfaction...)
« D'autres accrocs au cessez-le-feu sont imputables à l'ALN : taxations, rançons, enlèvements. Nous ne saurions accepter des opérations de commando du FLN, qui entraîneraient des ripostes immédiates. »
« Devenir militaire, une condamnation... »
Messmer fait adopter une ordonnance permettant la mobilisation des jeunes gens de dix-neuf ans en Algérie : façon de les soustraire aux influences subversives.
GdG : « Il n'est pas satisfaisant de penser que de devenir militaire est une condamnation. Mais, les choses étant ce qu'elles sont en Algérie, il est utile que le Haut-Commissaire ait cette ordonnance en main. Elle aura un effet plus psychologique que pratique. »
Au Conseil du 24 mai 1962, Joxe, pour la première fois, admet que les mouvements de départ vers la métropole prennent une allure préoccupante. « Certes, ils sont saisonniers : à la fin mai, ce sont des vacances anticipées, à l'arrivée des grandes chaleurs.Mais cet exode habituel est stimulé par la peur. Il faut donc des moyens de transport plus abondants, si on veut éviter la panique.
« Si les gens s'entre-massacrent, ce sera l'affaire des nouvelles autorités »
« À Alger et à Oran, poursuit Joxe, les médecins européens ne vont plus dans les quartiers musulmans, où ils craignent qu'on leur fasse un mauvais parti. Enfin, les harkis veulent partir en masse ; il faut évidemment combattre une infiltration qui, sous prétexte de bienfaisance, aurait pour effet de nous faire accueillir des éléments indésirables.
« En revanche, bon signe : en Kabylie, les chefs de l'ALN ont pris position sur le problème capital de l'école. Ils envoient les enfants à l'école française, par hostilité à l'école coranique, considérée comme arriérée. »
Le Général conclut, avec une sombre détermination :
« La France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l'ordre après l'autodétermination. Elle aura le devoir d'assister les autorités algériennes. Mais ce sera de l'assistance technique. Si les gens s'entre-massacrent, ce sera l'affaire des nouvelles autorités. »
Conseil des ministres, 30 mai 1962.
Boulin revient d'un voyage d'inspection en Algérie. Il lit une note (qu'il me laisse ensuite pour que je la paraphrase devant la presse). « Nous disposons d'un filet protecteur, la loi de décembre 1961 sur les rapatriements, qui nous permet de prendre en charge 70 000 rapatriés en 1962 ; mais on peut espérer qu'on n'aura pas besoin d'y avoir recours et que la quasi-totalité des Européens qui reviennent actuellement en métropole repartiront sans demander à bénéficier du statut de rapatriés. Seulement 2 ou 3 % des personnes qui arrivent actuellement sont démunies de ressources et de lieu d'hébergement.
« Pour les harkis, ne comptez-vous pas un peu juste ? »
« Les journaux, continue Boulin, parlent d'un flot de réfugiés lamentables, de miséreux et de sans-abri. Rien de tout cela n'est vrai. S'il y a des gens qui font la queue sur les aérodromes et devant les grilles des quais, c'est seulement parce que l'ensemble des services civils d'Algérie sont en grève, à cause des consignes de l'OAS. L'an dernier, il y avait la même quantité de départs et pas de queues du tout. Les CRS et l'armée portent des bagages,donnent des biberons, sont épuisés de fatigue. Tout serait normal si l'OAS ne sabotait pas.
« Quant aux moyens de transport, il y en a plus qu'il n'en faut : vingt bateaux par semaine. Les avions permettent 4 800 départs journaliers. Il n'y a donc pas lieu de dramatiser. Nous avons de quoi transporter trois fois plus de monde qu'il ne s'en présente.
« Enfin, les dispositions prises permettent de faire face au rapatriement d'un millier de
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