C'était de Gaulle - Tome II
je trouve inutile que le ministre s'y déplace en personne. Notre délégué permanent à Bruxelles suffirait. On vous siffle à Bruxelles, vous vous y précipitez, vous tombez de la lune, vous n'êtes pas préparé. La Commission vous attend, Messieurs les ministres, comme une araignée dans sa toile, et de fil en aiguille vous acceptez. Boegner 2 est là pour un coup et suffit parfaitement à la tâche. On n'est pas obligé de se ruer à Bruxelles. Il faut y aller très rarement. »
« Qu'on nous foute la paix avec leurs histoires de supranationalité »
Après le Conseil.
AP : « Ça n'est pas très bien parti, tout ça.
GdG. — Vous verrez qu'à la fin, ils vont caler, comme d'habitude. Vous savez, c'est stupide. Des sommes gigantesques vont s'accumuler et on va les confier à qui? À des individus qui ne sont responsables de rien, qui sont nommés par les gouvernements, mais qui prêtent aussitôt serment de ne pas en recevoir d'instructions et ne sont même pas responsables devant eux. On va inventer un pouvoir absolument arbitraire et technocratique, avec un argent fou, et pour le contrôler, on va avoir une institution aussi artificielle que l'assemblée de Strasbourg, qui est en réalité une amicale de parlementaires qui, en fait, n'ont à rendre de comptes à personne. Avant de construire toute institution, nationale ou pas, il faut savoir qui sera responsable de quoi et devant qui.
AP. — Une fois que le budget européen sera amassé, ils vous diront: "Il faut des élections au suffrage universel."
GdG. — Ils n'auront rien du tout! Mais vous verrez: ils chercheront le compromis. »
C'est bien vu. Le Général a même déjà trouvé le mot qui s'imposera. Mais nous n'en sommes pas encore là. Tant s'en faut.
« On ne va pas s'excuser de la victoire »
Salon doré, 28 avril 1965.
AP: « Vous avez peut-être vu, dans un télégramme de Seydoux 3 , que le président du groupe CDU, Barzel, demande que vous disiez, ou, à défaut, qu'un membre du gouvernement dise, à l'occasion du 8 mai, qu'il ne s'agit pas de fêter la victoire du peuple français sur le peuple allemand, mais de fêter ensemble la disparition d'un système totalitaire dont ils ont été tous les deux victimes. Il faudrait montrer que la jeunesse allemande ne porte pas le poids du péché de ses pères.
GdG. — Tout ça, c'est des histoires électorales. Notre attitude à l'égard de l'Allemagne a été aussi conciliatrice que possible, et elle continue de l'être. Mais il faut qu'ils avalent l'anniversaire de la victoire, et aussi celui des déportés. On ne va pas se mettre à pérorer sur le 8 mai pour s'excuser de la victoire. Ils ont fini par être battus. Ils ne l'avaient pas volé.
« Alors, c'est entendu, à partir de là, on ne ressasse pas les griefs.
On commence une vie nouvelle. Nous la pratiquons, cette vie nouvelle, depuis 45 et surtout depuis 62. Ils ne peuvent pas le contester. Nous l'aurions pratiquée plus volontiers encore s'ils étaient moins sur le reculoir.
AP. — D'après ce que m'a dit mon homologue, Erhard se demande si vous avez avancé la date de votre venue à Bonn pour permettre, avant les élections allemandes, une rencontre des six chefs d'État et de gouvernement à Bonn, qu'il souhaite tant, ou bien si vous y avez définitivement renoncé.
GdG. — Je ne pense pas que cette rencontre aura lieu avant les élections allemandes. Ce n'est pas en route. Les Italiens ne s'y prêteraient pas, les Belges seraient insaisissables, les Hollandais, qui sont des adversaires constants depuis Louis XIV, pisseraient leur vinaigre. Ça n'aboutirait à rien. Mais si Erhard veut qu'on renouvelle des gentillesses réciproques dans notre réunion de Bonn, ça ne me gêne pas.
AP. — Si vous ne tenez pas spécialement à être aimable avec les Allemands, vous pourriez vous contenter d'envoyer à Bonn le Premier ministre, et vous appliqueriez quand même le traité.
GdG (vivement). — Juridiquement, oui. Mais politiquement non, je ne peux pas ne pas y aller. Le véritable homologue du Chancelier,le véritable chef de l'Exécutif, ce n'est pas le Premier ministre, c'est moi. »
« Les Américains admettent enfin qu'il n'y aura pas d'unification allemande si les pays de l'Est ne le veulent pas »
Salon doré, 12 mai 1965.
AP : « On est enfin arrivé à un accord sur le texte de la déclaration tripartite 4 .
GdG. — Bah, c'est-à-dire que les Américains ont fini par accepter que non seulement eux, les
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