C'était de Gaulle - Tome II
Anglais et nous étions intéressés au règlement de la question allemande, mais que les pays de l'Est y sont également intéressés. Ça veut dire que les Américains admettent enfin qu'il n'y aura pas d'unification allemande si les pays de l'Est ne le veulent pas. C'est ce que nous avons toujours dit.
AP. — C'est ce que les Allemands appellent l'européisation de la réunification. Ce matin, les journaux américains disent que nous renonçons à écarter les États-Unis de ce processus.
GdG. — Ils ont inventé que nous voulions les écarter! Il n'en a jamais été question, puisque nous avons négocié la déclaration avec eux. Ils sont d'une mauvaise foi colossale. Ça, vous devriez le dire. »
« Il n'y a qu'une solution, c'est de revenir au plan Fouchet »
Salon doré, 2 juin 1965.
AP : « Vous n'attendez pas grand-chose de ce voyage à Bonn.
GdG. — Si ce n'est au point de vue agricole, pour en finir.
AP. — Vous ne croyez pas possible de faire une relance politique des Six ? La reprise du plan Fouchet ?
GdG. — C'est la seule possibilité. Il faudrait qu'on y revienne. Mais je ne crois pas qu'ils y soient prêts pour le moment. »
Salon doré, 9 juin 1965.
AP: « Qu'attendez-vous de la réunion de Bonn ?
GdG. — Ça ne peut pas faire de mal. Il en sortira toujours une explication ; et puis, c'est le traité.
AP. — Croyez-vous que le règlement financier sera conclu avant la fin de juin?
GdG. — Je ne sais pas. Mais ce n'est pas impossible.
AP. — C'est la première fois que nous ne sommes pas d'accord avec la Commission, à la veille d'une décision pareille.
GdG. — La Commission fait des demandes invraisemblables, pour accroître sa propre puissance et celle de l'Assemblée européenne. Elle aurait un pouvoir discrétionnaire sur le budget du Marché commun. Dans son esprit, il s'agit de prouver le mouvement en marchant et de rendre indispensable une dose plus élevée de supranationalité. Eh bien, nous n'allons pas dans cette voie! Pour nous, il s'agit tout simplement d'appliquer l'accord qui a déjà été conclu en 62.
« Je vais parler à Erhard des grands problèmes internationaux. Pompidou, lui, parlera de la coopération économique et industrielle entre les deux pays. Les industriels allemands commencent à y trouver intérêt et à se rendre compte que, s'ils sont trop dépendants des États-Unis, ils vont finir par se faire boulotter par eux. Il faut profiter de ces bonnes dispositions.
AP. — Et pour l'Europe politique?
GdG. — En réalité, il n'y a qu'une solution, c'est d'en revenir au plan Fouchet. »
Seulement, pour lui, le plan Fouchet, c'est plus qu'une organisation ; c'est un esprit — celui de l'indépendance. Il ne s'agit pas de savoir comment on se réunit, mais pourquoi. Or, l'expérience du traité franco-allemand lui montre que, même à deux, désaméricaniser la politique n'est pas facile. Que serait-ce à six ?
1 Dans Gargantua, oiseaux fantastiques et burlesques qui sèment les illusions.
2 Jean-Marc Boegner, représentant permanent de la France auprès de la Commission de Bruxelles.
3 François Seydoux, ambassadeur de France en Allemagne fédérale, frère de Roger Seydoux, représentant permanent de la France aux Nations Unies.
4 Une déclaration commune des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France sur la réunification allemande a été publiée le 12 mai. Les signataires s'engagent à poursuivre leurs initiatives auprès des Soviétiques en vue d'aboutir à la réunification de l'Allemagne. Ils considèrent que la recherche « d'une solution fondée sur la mise en œuvre dans les deux parties de l'Allemagne du droit à l'autodétermination » est seule capable d'assurer la paix en Europe. Ce texte constitue l'initiative occidentale qu'Erhard avait souhaitée, et de Gaulle acceptée, au sommet franco-allemand de janvier.
Chapitre 14
« NOTRE CHAISE RESTERA VIDE, TOUTE RÉUNION SERA SANS VALEUR»
La mi-juin 1965 voit siéger à Bonn un véritable Conseil des ministres français et allemands.
Schloss Emich 1 , samedi 12 juin 1965 au matin, avant que le cortège ne s'ébranle. Le Général m'a convoqué dans son appartement.
« Hallstein a inventé une cérémonie de lettres de créances pour les représentants des États à Bruxelles. Il se prend pour le Président du Gouvernement supranational. Il ne cache même pas son plan, qui consiste à transposer au niveau européen la structure de l'Allemagne fédérale. La
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