C'était de Gaulle - Tome II
qu'Adenauer a dû lâcher la rampe, est un État sans ressort, qui ne sait pas où il va.
(Ne pense-t-il pas : "C'est ce que deviendra la France quand j'aurai lâché la rampe" ?)
AP. — Croyez-vous à la possibilité d'un règlement financier le 30 juin ?
GdG. — Je pense que, finalement, on arrivera à quelque chose, car les Allemands ne tiennent pas plus que nous à ce que la Commission et l'Assemblée européenne mettent la main sur les crédits énormes qui seront dégagés par le budget agricole commun. Je pense que les Hollandais seront isolés. Mais l'arrière-pensée des Allemands est que l'on se contente de renouveler pendant un an l'actuel règlement financier. Évidemment, nous ne marcherons pas. Quant à la Commission, elle ne l'emportera pas en paradis! Je lui réglerai son compte! Hallstein, Marjolin 3 et Mansholt, c'est fini ! Je ne les renouvellerai pas! »
Couve: « Il n'y a eu qu'à prendre acte de l'échec »
Conseil du 1 e r juillet 1965.
Le 30 juin est venu, a passé: sur l'Europe du Général, le soleil n'a pas brillé. Couve a bataillé à Bruxelles toute la nuit et arrive, les traits tirés, sans avoir fermé l'œil, en compagnie de Giscard et de Pisani.
« Nos propositions ont été mises en pièces. Elles n'ont été acceptées par personne.
« Le grand problème posé était de savoir si le règlement financier pour la politique agricole commune serait adopté, c'est-à-dire comment on affecterait les droits de douane prélevés sur les importations agricoles.
« Nous nous sommes mis d'accord pour que l'ensemble de la politique agricole commune soit définitivement achevé dans les deux ans. Mais le désaccord a éclaté sur les conséquences financières.
« Allait-on prendre une décision pour une courte période (un ou deux ans) ou sur une période plus longue? C'est sur ce point particulier qu'on a rompu. L'Italie ne voulait que deux ans.
« Il valait mieux une rupture sur un point où la position française est largement justifiée. Il n'y a eu qu'à prendre acte de l'échec.
« Une discussion confuse s'est alors engagée pour la suite des opérations. Tous nos partenaires ont parlé de la nécessité de poursuivre. Ils voulaient donner l'impression que les choses continuaient, qu'il n'y avait pas de drame, mais une simple difficulté de procédure.
« J'ai arrêté les frais très vite : la délégation française ne peut pas continuer cette discussion. Des engagements formels ont été pris. Ils ne sont pas tenus. Nous ne pouvons qu'en prendre acte.
« La Belgique a eu une conduite parfaite. Avec les Allemands, il n'y a pas eu de discussion fondamentale. Les Pays-Bas ont les mains liées par leur Parlement. Le Luxembourg est plein de bonne volonté. L'Italie a été le grand obstacle. Les représentants italiens parlent à tout propos, hors de propos. Leurs discours sont remis à la presse aussitôt après avoir été prononcés, ou même avant. Ils étaient décidés à ne pas aboutir. Fanfani, qui me succède aujourd'hui comme président semestriel, tenait évidemment à ce qu'on n'aboutisse pas sous ma présidence, pour que la sienne arrange tout.
« La Commission est la grande perdante. Elle a fait des propositions absurdes, qui n'ont été acceptées par personne. Elle est restée absente dans la suite de la discussion, en s'entêtant dans des positions qui n'avaient pas été retenues. Les " européens " professionnels ont été, par entêtement idéologique, l'obstacle majeur au progrès de l'Europe.
« Nous entrons dans une crise grave. Nous avons décidé de ne pas tenir la réunion des ministres de l'Agriculture prévue pour le 12 juillet.
Pisani (sombre, comme écrasé). — Je n'ai rien à dire.
Giscard (certainement affecté, mais très maître de lui). — Les questions financières n'ont pas fait l'objet d'une discussion sérieuse. Personne n'a critiqué les positions françaises.
« Nous arrêtons les frais, puisque frais il y a »
GdG. — La délégation française a fait ce qu'elle devait faire.
« La situation est éclaircie. (Il avait employé la même expression, lors du départ fracassant des cinq ministres MRP, le 15 mai 1962, sur le thème de la supranationalité.)
« C'est une affaire sérieuse et même grave. Ce que nous avons accepté, l'abaissement des droits de douane, le prix du blé, nous l'aurons fait. Sans aucune contrepartie. Eh bien, nous arrêtons lesfrais, puisque frais il y a. Et nous verrons bien. Si les autres
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