C'était de Gaulle - Tome II
Commission deviendrait le Gouvernement fédéral. L'Assemblée européenne serait l'équivalent de ce qu'est aujourd'hui le Bundestag. Le Conseil des ministres deviendrait le Bundesrat: le Sénat, en somme ! C'est dérisoire! Mais ne vous y trompez pas: c'est une dérive institutionnelle qui finirait par s'imposer si nous n'y mettions pas le holà. Et nous sommes seuls à pouvoir le faire. »
« Nous avons découvert la supercherie »
Bonn, samedi 12 juin, fin de matinée.
Quand la séance plénière va se clore, un incident sévère éclate, mal dissimulé par l'atmosphère feutrée des conversations diplomatiques. Le secrétaire d'Etat allemand aux Affaires étrangères, Lahr, sort un papier, présenté comme un accord, où il est question de ne résoudre le règlement financier que pour une période d'un an, en prolongeant simplement le système actuel jusqu'au 30 juin 1966. Il n'en avait jamais été question jusque-là. Le Général se raidit. Il demande une nouvelle réunion. Il marque fermement que nous ne pouvons pas accepter un pareil arrangement. Le Chancelier Erhard est furieux. Constatant le désaccord, il lève la séance: « Eh bien! Allons déjeuner à Ernich, que nos experts se réunissent, et après le repas nous reparlerons de la question. » Les experts se réunissent. Mais la différence entre les points de vue était trop grande et ils ne peuvent franchir le fossé.
Samedi soir, 15 juin 1965, dans la Caravelle, au retour de Bonn.
AP : « Cet incident a eu lieu moins entre les Allemands et nous, qu'entre les Allemands eux-mêmes?
GdG. — Évidemment ! Il n'y a pas de gouvernement allemand, mais seulement des tendances contraires, en fonction des pronostics pour les prochaines élections 2 . Beaucoup escomptent que la CDU et les socialistes se partageront les voix moitié moitié. Schröder espère être arbitre de la situation et devenir Chancelier. C'est pour ça qu'il a fait sortir ce brûlot par son secrétaire d'État Lahr.
AP - Erhard n'était vraiment pas au courant de la manœuvre ?
GdG. — Mais non! Il a été stupéfait! Heureusement, nous avons découvert la supercherie et nous ne nous sommes pas laissé faire.
AP. — Comment un papier a-t-il pu être rendu public sans que ni Erhard, ni la délégation française, en aient eu connaissance?
GdG. — C'est justement ça qui est incroyable! D'autant plus que Hase a clamé à tous les échos que tout allait bien et qu'en quelque sorte, la France adoptait le point de vue allemand. Tout cela avant que les conversations soient terminées! Alors qu'on avait constaté qu'on était en pleine divergence! Tout cela est incroyable.
AP. — Hase est un garçon honnête. Il y a eu un malentendu.
« En Allemagne on se croirait sous la IV e »
GdG. — Erhard croyait que nous étions d'accord. Lui, il était d'accord pour tout ce qu'on voudrait. Il était incapable de dire un mot. Il a montré qu'il n'était pas à la hauteur de la situation. Il a fini par dire qu'il convoquerait dès le lendemain son Conseil des ministres, et qu'il tirerait tout cela au clair ; et qu'ensuite, il enverrait quelqu'un pour négocier à Paris après avoir arbitré lui-même! Tout ça est décousu! Les intrigues et les coups tordus se donnent libre cours en présence même de l'étranger. C'est affligeant. C'est pitoyable. C'est ça, le régime des partis. En Allemagne, on se croirait sous la IV e .
« Les Allemands sont considérablement affaiblis depuis qu'Adenauer n'est plus là. Erhard n'est pas un homme d'État. C'est un ludion. Il a trouvé plus habile de ménager celui-ci et celui-là. Finalement, il restera assis entre deux selles. (L'expression me paraît bizarre et je la note soigneusement. Mais la langue ne lui a pas fourché: c'est bien l'expression ancienne, et l'usage moderne a substitué la chaise à la selle, faute de se souvenir qu'en ancien français la selle est aussi un petit siège, un tabouret. Bizarre archaïsme;autant sa syntaxe est classique et simple, autant son vocabulaire ménage des surprises.
AP. — Les sociaux-démocrates seraient-ils mieux à même de gouverner?
GdG. — Je me demande s'ils feraient beaucoup mieux. J'ai eu une conversation avec Erler. C'est un socialiste, un supranational ; bref, un mythomane. Brandt a l'air plus réaliste. Mais que pourra-t-il faire? Peut-être sera-t-il ministre des Affaires étrangères, s'il y a un gouvernement de coalition, il en est sûrement capable... L'Allemagne, depuis
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