C'était de Gaulle - Tome II
a été consentie par le gouvernement français en 1956, mais c'est seulement en juin 1962 que la ratification parlementaire est intervenue.
2 Ngo Dinh Diem, Président du Sud-Vietnam depuis 1961.
3 Charles XII, roi de Suède, après avoir écrasé les Russes et envahi la Russie jusqu'à l'Ukraine, ne put empêcher à Poltava, en 1709, que son armée, décimée et démoralisée, soit taillée en pièces et capturée.
Chapitre 11
« LES AMÉRICAINS VONT ÊTRE DE PLUS EN PLUS ENGAGÉS, ILS NE S'EN TIRERONT PAS »
Le 21 septembre 1963, à Rambouillet 1 , le Chancelier Adenauer, lors de sa visite d'adieu, a abordé le thème de la reconnaissance de la Chine.
Adenauer : « Pour nous autres Européens, la Chine n'est pas une menace. Mais elle en est une pour l'Union soviétique ; et pour les Américains, parce qu'ils sont pacifiques et qu'ils craignent que la Chine ne le soit pas. L'Europe a tout avantage à normaliser ses relations avec la Chine. »
Le Général, qui boit des yeux le Chancelier : « L'Europe a, ou aura, un excédent de potentiel industriel. Si elle l'installait en Chine, elle permettrait à ce pays de sortir de sa misère ? »
Le Chancelier s'exclame : « J'avais exactement la même idée au même moment ! Et pourquoi la France n'enverrait-elle pas un chargé d'affaires en Chine ? Les Anglais l'ont bien fait. Ensuite, l'Allemagne fédérale suivrait votre exemple. »
« La brouille de la Chine et de la Russie change les données du problème »
Il se produit alors un déclic qu'on observe souvent chez le Général, quand il sent son interlocuteur trop proche de lui. Il prend le contre-pied de ses propres idées :
« Cette idée est dans l'air. Mais elle présente de grands inconvénients. D'abord, les Anglais possèdent Hongkong, il fallait bien qu'ils aient au moins des relations de voisinage. Comme ce n'est pas notre cas, si nous prenons une initiative vers Pékin, ce sera interprété comme une reconnaissance du régime. D'autre part, il y a Formose : Chiang Kaï-shek romprait évidemment ses relations avec nous si nous envoyions un représentant à Pékin.
« Puis, nous subirions une pression pour que la France recommande l'admission de la Chine communiste à l'ONU. Jusqu'à présent, nous nous étions arrangés pour ne pas y introduire une autre grande puissance communiste. Il y a un danger de déséquilibrer l'ONU. Et enfin, c'est gênant à cause des Américains. »
Là, comment croire que le Général dit ce qu'il pense ? Ce quil'attire le plus, m'a-t-il dit 2 , dans cette reconnaissance, c'est qu'elle manifestera que notre indépendance à l'égard des Américains est maintenant complète. Mais il sait que le Chancelier a peur de leur déplaire ; il se garde de le heurter.
Un silence. Nouveau déclic : il craint d'être allé trop loin et d'avoir convaincu le Chancelier par ses objections. Il rectifie :
« Il est vrai que la brouille entre la Chine et la Russie change les données du problème. »
Et il conclut prudemment, de manière à montrer à la fois qu'il ne faut pas renoncer à cette idée, mais qu'il faut y réfléchir soigneusement (alors que c'est tout réfléchi) : « Peut-être faudra-t-il réviser notre attitude. » Savoureux.
« Un Vietnam qui ne subirait aucune ingérence »
Au Conseil du 6 novembre 1963, Couve : « Au Vietnam, Diem et Nhu ont disparu physiquement, on ne sait trop comment. C'est arrivé avec la participation des Américains, ou du moins leur approbation. Une junte militaire a délégué le rôle de gouvernement à un soi-disant gouvernement qu'elle a nommé. »
Après le Conseil: « Dois-je dire quelque chose sur le Vietnam ?
GdG. — Oui. Voici, en gros : "La France observe sans étonnement et avec la plus grande réserve le déroulement des événements au Vietnam, qui, à son avis, ne comporte aucune issue. La seule issue se trouve dans l'unité, la liberté et la neutralité d'un Vietnam qui ne subirait aucune ingérence étrangère d'aucune sorte. La position affirmée précédemment par le gouvernement se trouve confirmée par les événements." »
Ce texte, je le sens, va soulever des tempêtes. À la différence de la déclaration d'août, il l'a assorti d'une liberté d'interprétation, puisqu'il a dit « en gros ». À la sortie du Salon doré, je l'édulcorerai un peu, et en donnerai lecture à Couve. « Ça serait déjà mieux, dit-il, soulagé de mes coups d'estompe. Mais, ajoute-t-il avec son flegme habituel, vous ne croyez
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