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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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de reconstituer chaque aventure à partir d’un seul patronyme. Bien mieux, par deux fois, il faudra se contenter d’un nom de pays (Brésil) ou d’un nom de ville (Havre). Mais – là aussi – les archives de Landru vont singulièrement faciliter la tâche des enquêteurs.
    Parmi les documents saisis dans le garage loué à Clichy par Landru, plusieurs concernent une famille Cuchet. Des lettres, des enveloppes vont permettre au commissaire Dautel de retrouver la trace de Jeanne Cuchet, l’une des rares à n’être pas entrée en rapport avec Landru à la suite d’une petite annonce.
    Lingère, née Jeanne Jamast, elle était veuve d’un commis-voyageur, mère d’un garçon de dix-sept ans prénommé André, lui-même vendeur dans une chemiserie. Le veuvage lui pesait. Un jour qu’elle se promenait au Luxembourg, au début de l’année 1914, un monsieur élégant, distingué, affichant une fort jeune cinquantaine, lui a adressé la parole. Il l’a fait avec tant d’égards et de réserve, qu’elle lui a répondu, elle dont la vie était irréprochable. Le monsieur s’est présenté comme Raymond Diard. Il s’est bien gardé de lui dire qu’il s’appelait en fait Landru et qu’il venait, après avoir commis une escroquerie de plus, de quitter Malakoff en toute hâte.
    Jeanne Cuchet ne paraissait pas ses trente-neuf ans. Sur les photographies, on lui voit un visage charmant, jolis yeux, petit nez, lèvres gourmandes. Elle n’allait pas résister longtemps au charme de M. Raymond Diard. Bientôt, il vint la voir chez elle. Régulièrement. Les voisins diront qu’il lui apportait des fleurs. Nous savons, nous – toujours la comptabilité de Landru ! – qu’il lui a offert une bague. Pas n’importe quelle bague : M. Diard et Mme Cuchet venaient de se fiancer.
    De fait, Jeanne, sans chercher à cacher sa joie, a annoncé son mariage à sa sœur et à son beau-frère ainsi qu’à ses meilleurs amis. On a présenté le futur à la famille. On a fixé la date du mariage. Jeanne Cuchet s’est fait envoyer, le 8 avril, par le maire de Fresnes, son acte de naissance légalisé. Cet acte, la police le retrouvera, jauni, naturellement inutilisé, dans les « archives » de Landru.
    Il est bien intéressant d’étudier ici comment Landru a opéré. Cette méthode, il l’utilisera, pratiquement inchangée, pour les autres femmes qui auront le malheur d’être « choisies » par lui.
    Bien sûr, le mariage n’a jamais eu lieu. Landru a dû avancer une raison suffisamment crédible pour que Mme Cuchet l’admette.
    Peu à peu, Landru va amener sa maîtresse à s’éloigner de sa famille. Il l’incite à quitter la maison de lingerie qui l’emploie. Il la décide à venir vivre avec lui : puisqu’ils vont se marier ! Landru et Jeanne s’en vont habiter à La Chaussée-par-Gouvieux, dans l’Oise. Le jeune André Cuchet, resté à Paris, rejoint le couple illégitime lors des fins de semaine. Aux habitants de La Chaussée, Landru a présenté Jeanne Cuchet comme Mme Diard. Il n’est arrivé au nouveau logis que suivi d’une vieille cantine avec quelques effets. Quant à elle, ce sont toutes ses économies qu’elle apporte au ménage. Ce qui va permettre à Landru d’ouvrir, dans une banque de Chantilly, un compte auquel il dépose – à son seul nom – une somme de 5 000 francs provenant intégralement de Jeanne Cuchet. Celle-ci s’émerveille de vivre une telle idylle. Pas pour longtemps. Lors de la déclaration de guerre, Landru vide le compte… et disparaît.
     
    Désespoir, angoisse, doutes affreux de l’infortunée Mme Cuchet. Après avoir rejoint son domicile parisien, elle revient à La Chaussée pour réunir les différents objets qui lui appartiennent. La cantine de M. Diard est toujours là. Le beau-frère et le fils de Mme Cuchet en font sauter la serrure car Jeanne espère que, peut-être, elle retrouvera là ses économies. Illusion ! On ne trouve pas un sou mais un livret militaire, un livret de mariage – pauvre Jeanne Cuchet ! – et un permis de conduire au nom de Henri-Désiré Landru. Atterrée, Jeanne peut lire aussi un gros paquet de lettres adressées par ses enfants à cet amant qu’elle croyait célibataire. Aussi un paquet plus gros encore de lettres de femmes qui prouvent que Jeanne n’est pas – et de loin – la seule maîtresse du si charmant M. Diard. Le beau-frère dit carrément ce qu’il pense : Mme Cuchet a eu affaire à un

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